Escapades urbaines : les plus grands marchés aux puces d’Amérique latine

Volet 1 : les brocantes, lieux de vente et lieux de vie

 

Feria de San Telmo

(Feria de San Telmo – © La Culpa Es Del Dedito via FlickR)

 

À l’heure où le voyage se fait plus responsable et plus vertueux, rapporter dans ses valises un gadget produit au bout du monde a-t-il encore du sens ? De Mexico à Santiago, les marchés aux puces et foires aux antiquités regorgent heureusement d’alternatives aux souvenirs manufacturés sans âme. Voici un petit carnet d’adresses en deux volets à l’usage des chineurs et amateurs d’objets uniques.

Que le voyageur qui, en quête de souvenirs, s’est déjà désolé devant un présentoir de magnets ringards ou un étal de t-shirts à l’esthétique douteuse reprenne espoir à la lecture des prochaines lignes : d’autres trouvailles sont possibles. En effet, la France et la vieille Europe n’ont pas le monopole des objets anciens et des brocantes. Le vide-greniers et les puces ont même d’enthousiasmants équivalents latino-américains, parmi les stands desquels il fait bon flâner. Certaines foires valent le détour rien que pour leur animation, leur ambiance musicale ou leur offre culinaire, d’autres se tiennent dans des lieux qui méritent à eux seuls la visite. Qu’elles soient insoupçonnées ou se déroulent en pleine rue, toutes promettent en tout cas un concentré de culture locale et un véritable voyage à travers le temps et l’histoire.

Des rendez-vous populaires incontournables qui attirent pour leur offre et leur atmosphère

Repaire des passionnés de décoration, des férus d’histoire et des collectionneurs, les puces de Paris ont des homologues tout aussi réputées sur le continent latino-américain. C’est le cas de la Feria de San Telmo organisée chaque dimanche à Buenos Aires, qui constitue un rendez-vous immanquable pour les dénicheurs invétérés comme pour les voyageurs de passage. Ce salon des antiquaires et de l’artisanat, dont les exposants sont strictement sélectionnés, a lieu en plein air sur la Plaza Dorrego et la Calle Defensa.

 

(Photo publiée sur le compte Instagram de la Feria @feriadesantelmo)

 

Outre la diversité de ce que proposent ses plus de 250 stands, entre vieux objets, jouets de collection, vinyles, peintures et vaisselle, cette feria née dans les années 1970 plait pour son cadre et son âme. Elle se déroule en effet dans le quartier historique de San Telmo, dont les touristes raffolent du charme désuet et des édifices anciens. Il s’anime à l’occasion de ce rendez-vous dominical résolument populaire, où l’on flâne parmi les échoppes éphémères tout en profitant avec bonheur du spectacle offert par les danseurs de tango et les artistes de rue avant une pause bien méritée dans un bar ou un restaurant traditionnel du quartier.

Mexico City a elle aussi son royaume éphémère de la chine : le mercado La Lagunilla, qui prend possession du centre historique de la ville tous les dimanches sur l’avenida Paseo de la Reforma, entre Allende et Comonfort. Ce tianguis, ainsi que l’on appelle les marchés en plein air du Mexique et d’Amérique centrale, ne propose que des antiquités et des objets d’occasion. Les amoureux du vintage, conquis, y dénichent de véritables petits trésors parmi les objets rouillés, les articles de maroquinerie, les authentiques costumes de matador et les vieux disques.

 

La Lagunilla en 2011

La Lagunilla en 2011 (© Alejandro Linares Garcia via Wikimedia Commons)

 

On peut aussi s’y délecter de quelques spécialités locales ou siroter une michelada, boisson typiquement mexicaine à base de bière agrémentée de jus de citron vert et généralement mélangée à du tabasco et de la sauce Worcestershire, quand elle n’est pas allongée de jus de tomate.

Les week-ends sont également synonymes de grand déballage au Brésil. Depuis 1987, la Feira Benedito Calixto, à São Paulo, réunit ainsi plus de 300 stands offrant toutes sortes d’antiquités (argenterie, porcelaine, verres, jouets, vêtements vintage, meubles anciens), de l’artisanat et de la street-food pour grignoter entre deux marchandages. Plus tranquille le reste de la semaine, cette place du quartier Pinheiros, à l’ouest de la ville, est un lieu culturel important qui abrite des galeries spécialisées et des magasins de décoration ainsi que des bars où, le samedi venu, on s’attable en terrasse pour apprécier la joyeuse ambiance de la Feira et les concerts qui s’y tiennent.

 

Feira Benedito Calixto

(Photo publiée sur le compte Instagram de la Feira Benedito Calixto @feirabeneditocalixto.oficial)

 

Plus select, la Feira de Antiguidades da Praça Santos Dumont à Rio de Janeiro, est aussi plus pointue. Entre œuvres d’art, tapis persans, porcelaine et céramiques, cet événement organisé par l’association des antiquaires de Rio compte 80 stands où se pressent collectionneurs, professionnels, esthètes revendiqués ou simples promeneurs.

 

Associação brasileira dos Antiquarios de Rio de Janeiro

(Photo publiée sur la page Facebook de la Associação brasileira dos Antiquarios de Rio de Janeiro)

 

Car outre l’hippodrome et le très élitiste Jockey Club, le quartier cossu de Gávea ne manque pas d’intérêt touristique. On y vient notamment en famille profiter du planétarium de Rio (planetário), où se dévoilent les secrets de l’espace, et de la proximité du merveilleux jardin botanique (Jardim Botânico), qui figure parmi les plus beaux du monde.

 

Montevideo, Lima, Bogotá, La Havane : à chaque capitale son royaume du brocantage

Les étals de la Feria de Tristan Narvaja, à Montevideo, débordent de petits riens qui forment un tout inimitable, sorte de marché-débarras à l’esprit plus « grenier » que « galerie d’art ». Ici, les talents de rafistolage sont aussi utiles que le sens des affaires ! Si cette foire dominicale qui s’étend sur plusieurs pâtés de maison réjouit davantage les flâneurs que les experts, on y déniche parfois de jolies trouvailles parmi les objets rescapés de la déchetterie. À commencer par des artefacts venus d’Europe et qui témoignent des vagues d’immigration qu’a connues l’Uruguay au XIXe siècle. Mais on la fréquente avant tout pour son enthousiasmant bric-à-brac, où l’on farfouille entre les effluves de nourriture et le caquètement de poules elles aussi à vendre. Difficile de repartir les mains parfaitement vides, que l’on craque pour un vieux bouquin, un vêtement de seconde main ou une collection de timbres.

 

(© Rodrigo Olivera via Wikimedia Commons)

 

À Lima, il est également un rendez-vous prisé des connaisseurs : la Feria de Antigüedades Arte y Cultura San Miguel Arcángel, qui voit affluer touristes et amateurs d’antiquités tous les dimanches dans le quartier de Miraflores. Installés non loin du drôle de cirque en dur « La Tarumba », réputé pour son école et ses spectacles, les exposants sont tous des professionnels qui profitent de ce rendez-vous pour partager leur passion et leurs beaux objets avec le public. Ce dernier mêle la jeune génération adepte de l’occasion et les plus anciens, habitués des lieux, tous attirés par la diversité des pièces proposées. Cette Feria à la fois joviale et empreinte de nostalgie offre en effet un vrai voyage à travers le temps et les époques. Et pour apprécier pleinement la déambulation parmi les objets anciens, lampes, lustres, bijoux, vases chinois et autres estampes japonaises, la Calle Alfonso Ugarte est piétonnisée le temps de la foire.

 

Feria de Antigüedades

(Photo publiée sur la page Facebook de la Feria de Antigüedades, Arte y Cultura San Miguel Arcángel)

 

Comme à Lima, la plupart des marchés aux puces latino-américains sont des musées à ciel ouvert où l’art et l’histoire se racontent en objets. Il en va ainsi du grand Mercado de las pulgas de San Alejo, qui investit chaque dimanche les rues de la Candelaria, au cœur de Bogotá. Déclaré patrimoine d’intérêt culturel et touristique par la ville, il réunit 300 exposants d’antiquités, d’artisanat, de livres mais aussi de curiosités en tout genre, attirant aussi bien collectionneurs et restaurateurs d’art qu’artistes et artisans venus présenter leur savoir-faire.

 

Feria de Antigüedades,

(Photo publiée sur la page Facebook de la Feria de Antigüedades, Arte y Cultura San Miguel Arcángel)

 

Ce contact privilégié avec les professionnels se révèle riche en enseignements historiques et culturels pour les visiteurs. Lesquels se pressent généralement tôt, avec d’autant plus d’entrain et d’excitation que l’endroit a la réputation d’offrir à qui sait les dénicher parmi la marchandise abondante quelques trésors antiques.

Enfin, si Cuba n’est pas connue pour ses brocantes, la Havane et son héritage colonial préservé recèlent, à condition de connaitre les rares adresses spécialisées de la capitale, de petites merveilles historiques et artistiques. La Feria de Publicaciones y Curiosidades se déroule quotidiennement Calle Baratillo, au coin de Justiz, regroupant essentiellement des bouquinistes et antiquaires autrefois établis au marché aux livres de la Plaza de Armas. Ce marché aux puces à l’ambiance décontractée se prête à une agréable promenade culturelle à l’ombre des amandiers, entre Plaza Vieja et Plaza de la Catedral. Hors de la vieille ville, la petite librería Memorias, calle Ánimas, abrite aussi des collections uniques sur l’île : cartes de baseball, revues anciennes, boites à cigares introuvables, médailles…

 

Librería Memorias

(Librería Memorias – © Page Facebook @memoriashabana)