Tourisme accessible en Amérique latine – 2ème partie

Aventure, nature et culture : des idées de destinations inclusives

Après un état des lieux des bonnes volontés et des bonnes idées, cette deuxième partie de notre dossier consacré au tourisme accessible se concentre sur des exemples concrets de visites, d’excursions et d’activités dont peuvent profiter les voyageuses et voyageurs en situation de handicap. Des sommets montagneux aux fonds sous-marins, zoom sur les destinations les plus inclusives qu’elles et ils trouveront en Amérique latine.

 

Photo issue de la page Facebook de l’association brésilienne Montanha Para Todos

 

Les sites naturels les plus beaux sont souvent les plus reculés et les plus difficiles d’accès. Pourtant, le handicap n’est plus un obstacle à la découverte des merveilles du monde, comme en atteste la présence régulière des chutes d’Iguaçu/Iguazú au palmarès des aventures en plein-air les plus accessibles. Le parc qui abrite cette chaîne de cascades au cœur de la jungle, à la frontière entre Brésil et Argentine, est bien équipé pour les personnes à mobilité réduite. Outre la présence de sanitaires adaptés, des rampes, passerelles et mains courantes jalonnent l’accès aux chutes. Une signalétique en braille est prévue pour les non-voyants et des voiturettes électriques transportent gratuitement, sur demande, les visiteurs nécessitant une assistance supplémentaire. Les établissements hôteliers du secteur, tout comme les restaurants, sont eux aussi à la pointe de l’accessibilité.

À près d’un millier de kilomètres de là, côté brésilien, on trouve un autre terrain de jeu qui se prête à l’aventure inclusive : Brotas. Cette ville située à 250 kilomètres de São Paulo est considérée comme la capitale du tourisme d’aventure dans le pays. Les sportifs et les amateurs d’émotions fortes s’y adonnent au rafting, à l’acrobranche, à la tyrolienne ou encore au parapente. La destination cherche à faciliter l’accès des personnes atteintes de handicap, qui peuvent par exemple profiter avec l’assistance d’un moniteur de la vivifiante cascade du parc écologique Recanto das Cachoeiras, soucieux de son accessibilité. La plupart des structures proposant du rafting, activité phare de la région, sont également compétentes dans la prise en charge des participants en fauteuil.

 

Toujours plus d’escapades et d’expériences inclusives

Sur la rivière Rio do Peixe, dans les montagnes du Mantiquera, Socorro est un autre exemple de municipalité engagée. Ses rues et espaces publics ont été adaptés à l’accueil du public à mobilité réduite, et de nombreuses possibilités s’offrent à ceux qui veulent profiter du tourisme d’aventure aux alentours : balade à cheval ou en calèche, descente en rappel, randonnée, quad… Comme de nombreux restaurants et hébergements sur place, les agences locales ont tout mis en œuvre pour faire de la première « cittaslow » brésilienne une référence du tourisme accessible. D’aventure, il en est aussi question au Nicaragua, où le Miravalle Canopy Tour propose aux personnes en fauteuil roulant ou non-voyantes d’évoluer en haut de la canopée, au cœur d’une forêt. Au pied du volcan Mombacho, la végétation trouve des conditions idéales pour s’épanouir et les voyageurs à mobilité réduite de vraies options pour arpenter la zone, entre plantations de café et faune caractéristique.

 

(© CONAF)

 

Le Costa Rica est une autre destination hospitalière pour les voyageurs aux capacités limitées. Le parc national Tortuguero, icone du tourisme national, n’a pas seulement la particularité de compter une partie terrestre et une aire marine qui lui valent d’abriter une faune et une flore incomparables : il est également praticable en fauteuil et équipé de joëlettes pour accéder aux sentiers les plus difficiles. Autour de l’Arenal aussi, la nature abondante n’en est pas pour autant inapprochable. Plusieurs agences disposent de vans aménagés pour les transferts et de fauteuils amphibies pour la baignade dans les sources chaudes, nombreuses près du volcan.

S’il est une autre terre d’aventures, c’est bien le Chili, qui a fait de l’accessibilité une priorité politique et touristique. Les occasions d’y trekker, de s’y dépenser et de s’émerveiller devant une nature encore sauvage sont par conséquent nombreuses. C’est le cas à San Pedro de Atacama, où il est possible d’arpenter la Valle de la Luna et la Valle de la Muerte en vélo adapté, de se baigner sans difficulté dans l’eau de la laguna Cejar, dont la forte salinité facilite la flottaison, ou encore de randonner dans la Valle del Arcoiris, surnommée la « vallée arc-en-ciel », en bénéficiant d’un équipement et d’un accompagnement spécifiques. Terre extrême par excellence, la Patagonie est elle aussi « handy-friendly ». Ce reportage de TVN présente une expérience de trekking pour personnes non-voyantes dans le parc national Torres del Paine, désigné 8e merveille du monde en 2013.

 

Des activités riches en émotions, des visites riches en sensations (ou l’inverse)

Côté argentin aussi, des dispositifs permettent aux voyageurs en situation de handicap d’apprécier pleinement leur excursion patagonienne. Chouchou des randonneurs, qui viennent nombreux s’attaquer au Perito Moreno, le parc national Los Glaciares offre des installations adaptées avec un système de rampes et de passerelles ainsi qu’un ascenseur en verre desservant le premier « balcon », un point de vue privilégié pour admirer ces paysages uniques. Les mêmes efforts sont observés en Patagonie océanique, comme à Puerto Madryn qui compte pas moins d’une vingtaine d’établissements estampillés « Distinguidos Nacionales en accesibilidad turística », dont plusieurs restaurants, des hôtels, des spas et même des centres de plongée.

Toujours plus au sud, dans l’archipel argentino-chilien de la Terre de Feu et à Ushuaia, on s’est aussi employé à rendre le voyage plus inclusif pour tous les publics. Depuis la ville la plus australe d’Argentine, il est possible pour qui se déplace en fauteuil roulant de pratiquer des activités uniques telles que le ski adapté à Serro Castor, le survol de la région en hélicoptère ou l’observation des pingouins depuis un catamaran. Quant au Train de la Fin du Monde, attraction locale incontournable, il met tout en œuvre pour faciliter l’accueil des personnes en situation de handicap.

De retour chez le voisin chilien, décidément bon élève, on peut troquer les sensations fortes pour des moments de contemplation au contact de la nature. Parmi les zones protégées auxquelles le pays veut garantir un accès universel, la Réserva Lago Peñuelas dispose d’un sentier ponctué de dispositifs audio pour recréer les sons de la faune, décrire la flore et raconter aux visiteurs non-voyants l’histoire de cette réserve naturelle du pays du Chili qui les immerge dans un environnement préservé. Dans celle de Río de los Cipreses, on trouve un sentier de randonnée adapté aux fauteuils pour accéder jusqu’au point de vue ainsi que des explications en braille sur les espèces végétales visibles et la vie des perroquets Tricahue, présents ici par centaines. Le Centre d’Éducation à l’Environnement (CEA) de la Portada de Antofagasta, monument naturel du nord du pays, est accessible aux personnes en situation de handicap et diffuse des vidéos d’information en langue des signes. Des plaques présentent, le long d’un sentier, les différentes espèces de volatiles qui peuplent les lieux avec des textes en braille et des oiseaux en relief.

Dans le même esprit, la Colombie a inauguré en 2021 les premières « routes sonores » pour personnes déficientes visuelles d’Amérique latine. Le dispositif, mis en place dans la Valle del Cauca par l’ONG Asociación Rio Cali, consiste en un sentier pour non-voyants axé sur le chant des oiseaux. Il s’agit d’une initiative pionnière inspirée par l’Uruguayen Juan Pablo Culasso, rendu célèbre pour sa capacité à distinguer plus de 3 000 chants d’oiseaux. Les visiteurs manipulent des répliques en plastique de certaines des 300 espèces des forêts de la région avant d’arpenter un chemin d’observation long de quelques centaines de mètres, en compagnie de guides spécialement formés qui les aident à identifier les oiseaux à l’oreille.

 

Rio, Mexico, Valparaíso… Des villes et des musées de plus en plus praticables

Les villes latino-américaines, petites et grandes, ont à leur tour pris le virage du tourisme inclusif. Direction Mexico, d’abord, qui a édité son guide des adresses accessibles. La capitale mexicaine, dont certains bloggeurs référencent les activités faisables en fauteuil roulant, compte plusieurs musées inclusifs pour les personnes non voyantes ou déficientes visuelles, qu’Uno TV a mis à l’honneur avec d’autres musées du pays à l’occasion de la dernière Journée internationale du Braille le 4 janvier 2023. Parmi eux figure le Museo Soumaya, consacré à l’art, qui se distingue en proposant des visites tactiles, des audioguides dédiés et des interprètes en langue des signes.  Le Museo del Estanquillo, dans lequel l’écrivain Carlos Monsiváis a choisi de partager sa collection de 20 000 pièces diverses (peintures, gravures, maquettes, documents historiques, etc.), a imaginé des visites guidées adaptées aux malvoyants, aux malentendants et aux visiteurs atteints de troubles moteurs ou psychologiques. À l’image du Museo Cabañas de Guadalajara, avec son sol podotactile et son projet pilote de traduction d’œuvre en braille, plusieurs musées du pays sont également à saluer pour leur promotion de l’art pour toutes et tous.

D’autres villes ont travaillé sur des « manuels » de l’accessibilité, comme la capitale uruguayenne Montevideo. Son guide du tourisme accessible répertorie les adresses – théâtres, dont le fameux Teatro Solís, parcs, musées, hôtels, parkings, etc. – en mesure d’accueillir les personnes handicapées. Au niveau national, les acteurs du tourisme sont tour à tour conseillés pour adopter de bonnes pratiques et récompensés quand ils y parviennent.

 

© Museu do Futebol

 

En Argentine, Buenos Aires et sa province ont édité il y a quelques années leur guide du tourisme accessible comportant des spots inclusifs et des idées de circuits, traduit en anglais, en portugais et en langue des signes. La ville colombienne de Medellin, qui a fait du tourisme accessible et inclusif un enjeu municipal, répertorie elle ses meilleurs spots : passages, parcs, restos, musées, etc. À Valparaíso, au Chili, un partenariat public-privé a permis l’édition d’un livret en braille présentant les musées du réseau Red ViVa, qui vient compléter leurs dispositifs existants d’exploration tactile, d’audioguides ou de vidéos en langue des signes. Et entre atelier de street art, cours de cuisine ou excursion dans les vignobles, d’autres activités accessibles font de Valparaíso, Viña del Mar et leur région une destination qui convient au handicap.

Les principales villes brésiliennes n’ont pas à rougir de leur propre offre en la matière. C’est ce que souligne un journal argentin spécialisé dans le tourisme, qui listait en janvier 2023 les cinq villes les plus accessibles au Brésil. On y trouve Brasilia, dont la plupart des trésors d’architecture peuvent être visités par des voyageurs de toute condition, mais aussi Rio de Janeiro, où les personnes handicapées sont accueillies dans la plupart des hauts-lieux touristiques : le Christ Rédempteur, le Jardin Botanique, le Pain de Sucre,  le Parc national de Tijuca…. À São Paulo, les expériences accessibles existent, comme au Museo do Futebol ou au Musée de la Langue Portugaise. Des villes ou des initiatives plus modestes participent elles aussi de l’adaptation progressive du tourisme : un « voyage sensoriel » pour palper et toucher des répliques d’œuvres dans un petit musée de La Paz, en Bolivie, des menus en braille généralisés dans la municipalité argentine de Corrientes, une maquette haptique de la centrale hydroélectrique d’Itaipu sur le rio Paraná, à la frontière entre Paraguay et Brésil…

 

Bien sûr, cette sélection n’a pas vocation à constituer un guide exhaustif. Mais elle prouve que le tourisme accessible et inclusif est une réalité dans toute l’Amérique latine, où il est porté par des politiques publiques volontaristes. Reste qu’il requiert, outre des moyens matériels et un soutien logistique, une préparation méthodique pour les voyageurs qui se lancent. Le présent dossier aura le mérite de leur donner des inspirations, bien que d’autres ressources et options soient à portée de clics. D’abord sur le site du Lonely Planet, qui communique régulièrement sur l’actualité du voyage inclusif et édite un guide dédié en téléchargement gratuit, mais aussi sur bien des blogs et sites de tourisme. Les plateformes de réservation et autres comparateurs en ligne ne proposent-ils pas pour la plupart des critères d’accessibilité dans leur moteur de recherche ? Des agences spécialisées offrent également leurs services aux personnes en situation de handicap peu à l’aise avec l’idée d’organiser seules leur voyage. Nul doute que leur gamme et leur expertise vont, comme le nombre de destinations accessibles, continuer à progresser dans un avenir proche.