Cocktails incontournables d’Amérique latine

Cocktails incontournables d’Amérique latine

Pour la Cotal, trois adresses de référence livrent les secrets de trois cocktails mythiques

Du Mojito au Daïquiri, l’Amérique latine est omniprésente à la carte des cocktails. Beaucoup d’entre eux sont en effet originaires de cette partie du monde, où l’on produit de savoureux alcools selon des méthodes souvent séculaires. Penchons-nous ce mois-ci sur trois cocktails latino-américains emblématiques, appréciés des épicuriens du monde entier. Pour l’occasion, la Cotal a donné la parole à trois restaurants parisiens qui les mettent à l’honneur, afin de connaître les dessous de ces cocktails parfois imités mais jamais égalés.

 

Pour la caïpirinha, « une dose de jus de citron qui varie selon les saisons »

De la cachaça, du sucre de canne et du citron vert : avec seulement trois ingrédients, que vient rafraichir la glace pilée, la caïpirinha offre en quelques décilitres un incomparable concentré du Brésil. En 2020, le journaliste Olivier Reneau parlait même de « la ruralité du Brésil dans un verre » dès le titre d’un article pour Le Figaro, dans lequel il explique que la caïpirinha, « qui ne fera jamais défaut lors d’un apéritif ou d’un verre entre amis », se différencie des autres cocktails tropicaux par « la présence de la cachaça, le spiritueux exclusivement brésilien ».

 

Boutique de cachaça à Paraty, au Brésil (© Deni Williams, Wikimedia Commons)

 

Et c’est là tout le secret de la parfaite « caïpi », comme le confirme Alexandre Guillet, à la tête du Uma Nota (Paris 2e), dont c’est la boisson phare. La cuisine fusion proposée par l’établissement, japonaise et brésilienne, s’incarne jusque dans la personne de son chef barman Fernando Imamura, qui partage cette double origine. C’est à lui que l’on doit la recette de la caïpirinha servie à la clientèle des lieux, considérée comme l’une des meilleures de la capitale. Ici, elle est disponible en plusieurs versions mais réalisée avec une marque de cachaça unique.

« Au Brésil, on a l’habitude de consommer des cachaças agricoles, rappelle Alexandre Guillet. Pour trouver quelque chose qui pouvait plaire aux palais européens, on a sélectionné celle qui selon moi est l’une des meilleures au monde : la Yaguara ». Cette distillerie, aux cachaças internationalement renommées, revendique aujourd’hui encore sur une production artisanale et une histoire familiale. Depuis cinq générations, elle embouteille une cachaça locale dans laquelle on ne trouve que du jus de cannes à sucre bio récoltées à la main.

Chez Uma Nota, on mise donc sur la qualité de la Yaguara Branca mais également sur le savoir-faire d’alchimiste de « Nando » Imamura, tenu de garantir l’homogénéité de son cocktail malgré les aléas saisonniers. « On s’approvisionne toute l’année avec d’excellents citrons verts, auprès du même fournisseur de Rungis, explique Alexandre Guillet, mais la quantité de jus extraite n’est pas la même en janvier ou en août ». Afin d’assurer une qualité gustative constante, le chef barman et son équipe doivent donc adapter la quantité de jus utilisé. La preuve qu’une caïpirinha réussie impose une bonne matière première, mais aussi de savants dosages…

La meilleure des margaritas ? « C’est d’abord la margarita que l’on aime ! »

« Traditionnellement, la margarita c’est « tequila, triple sec, jus de citron et glace pilée ». Mais chaque mixologue a sa recette, estime Mercedes Ahumada, dont le restaurant Chicahualco, a ouvert en 2023 dans le 17e arrondissement de Paris. Chacun, comme en cuisine, met un peu de sa personnalité dans son cocktail. Nous, on joue avec le jus de pamplemousse ». La cheffe a grandi dans une « unité de production », telle que le Mexique en compte plus de 4 millions sur son territoire, où elle a assisté de près à la culture et la cuisine des produits.

Ce type de structure, relevant le plus souvent d’une propriété collective, est le fruit de la réforme agraire qu’a connue le pays de 1917 à 1980. Durant toute cette période, des lopins de terre y ont été distribués aux vétérans de la Revolución mexicana, pour subvenir à leurs besoins et ceux de leurs familles. L’unité de Mercedes, basée dans l’État de Mexico, cultivait notamment du maïs, du piment et du « maguey », l’un des noms populairement attribués à l’agave. « Je suis très attachée à ces trois produits, autour desquels j’ai choisi de transmettre la culture culinaire de mon pays », raconte celle qui présente sa table mexicaine comme « un restaurant culturel ».

 

L’agave, cher au cœur de Mercedes Ahumada (© Chicahualco, page Facebook officielle du restaurant)

 

« La margarita est le seul cocktail que j’y sers », s’amuse cette passionnée de terroir. Pour sa propre recette, elle travaille avec différentes distilleries mais n’a choisi d’utiliser que des tequilas 100 % agave. « Notre intérêt, c’est vraiment de faire découvrir les arômes de l’agave. Or avec une tequila mixte, dont tous les sucres ne sont pas issus de cette plante vivace, on n’aura jamais la quintessence de ces arômes », raconte Mercedes Ahumada. Pour autant, elle assure que l’on peut faire une bonne margarita avec une tequila mixte.

« Les Mexicains consomment la tequila parce qu’ils la considèrent comme une boisson identitaire. Mais tous ne sont pas pour autant des spécialistes, tempère la cheffe, intarissable sur l’eau-de-vie nationale et son utilisation. Ce qui est intéressant avec la tequila, c’est qu’on peut la boire de l’apéritif jusqu’au dessert. Elle se marie aussi bien avec une entrée qu’avec un plat ou une recette sucrée ». La margarita est un bon début pour faire découvrir à la clientèle française toute sa palette aromatique. Mais pas question pour Mercedes de livrer une recette unique et immuable : « la meilleure margarita est celle que l’on aime ».

 

Le Pisco Sour, « c’est un équilibre parfait entre force, acidité et douceur »

Tout comme l’origine du pisco, la paternité du Pisco Sour est revendiquée par deux pays voisins. Cet alcool obtenu par la distillation de raisins, à la manière d’un cognac, ainsi que le cocktail qui l’a popularisé bien au-delà de l’Amérique latine, font l’objet d’un désaccord persistant entre le Pérou et le Chili. De chaque côté de la courte frontière (160 kilomètres seulement), on assure avoir été les premiers à produire du pisco et à concocter du Pisco Sour.

 

Le Pisco Sour de Christophe Pluvinage (© Piscobar)

 

Si la question diplomatique est délicate – voire impossible – à trancher, l’Union européenne reconnaît à la ville péruvienne de Pisco, au Pérou, la seule appellation d’origine du pisco. Des chercheurs chiliens estiment quant à eux avoir trouvé le document d’archive attestant qu’il est né au Chili. Une chose est sûre : pisco et Pisco Sour sont pour les uns et les autres une vraie passion nationale, synonyme de convivialité et source de fierté.

Chez Lourdes Pluvinage, cheffe du Picaflor (Paris 5e), et son fils Christophe, fondateur du Piscobar (Paris 2e), c’est même une fierté familiale. Dans l’institution de la première comme dans le bar-restaurant du deuxième, on propose la recette de Christophe, qui détient le titre de « Meilleur Pisco Sour de France » depuis 2018. Lourdes se devait naturellement de faire figurer le cocktail au sommaire de l’ouvrage qu’elle vient de consacrer à la cuisine péruvienne (Easy Pérou, Mango Éditions, 2023), dont elle est depuis toujours une infatigable ambassadrice. « Pour le Pisco Sour, l’enjeu c’est de trouver l’équilibre parfait entre la force de l’alcool, l’acidité du citron et la douceur du sucre » détaille Lourdes.

Sur les conseils du chef Gastón Acurio, son fils a multiplié les expériences auprès des coopératives de production et des bars de Lima pour tout savoir du pisco. Il est revenu en France avec sa recette idéale qui mêle, pour un verre, 6 cl de pisco, 3 cl de jus de citron vert, 2 cl de sirop de sucre de canne, un peu d’Angostura, un blanc d’œuf et des glaçons. La suite est révélée dans le livre de Lourdes : « Pressez le citron vert. Dans un shaker, mélangez tous les ingrédients sauf l’Angostura® bitters. Shakez pendant 15-20 secondes, filtrez dans un verre à pied type coupe de champagne ou verre à vin blanc. Décorez de quelques gouttes d’Angostura® bitters ». À vous de jouer ?

 

L’Amérique latine, une terre d’inspiration pour les mixologues

Outre ces trois cocktails qui se révèlent aussi populaires que pointus, d’autres chefs-d’œuvre de la mixologie méritent de figurer ici. Difficile, par exemple, de ne pas mentionner le Mojito, depuis longtemps érigé au rang de star des comptoirs. Ce mélange typiquement cubain de rhum, d’eau gazeuse, de citron vert et de feuilles de menthe est à la fois le cocktail préféré des Français et le plus célèbre dans l’Hexagone. C’est ce que révèle une étude sur la notoriété des cocktails réalisée en 2018, dans laquelle on apprend notamment que 88 % des personnes sondées connaissent le Mojito.

Elles sont 50 % à avoir déjà entendu parler d’un autre classique de Cuba, le Daïquiri, qui marie pour sa part le rhum blanc au citron vert et au sucre de canne. Il faut ajouter de la liqueur de marasquin, obtenue par distillation de cerises acides appelées « marasques », pour aboutir au Daïquiri Floridita. C’est ce dernier que prend pour base Ernest Hemingway dans la version dont on lui prête la paternité et qui porte son nom. Pour le Daïquiri Hemingway, l’écrivain américain rallonge également la dose de rhum – d’où le surnom de « Papa Doble » – et additionne le jus de citron vert d’un peu de jus de pamplemousse.

 

(Source : Wikimedia Commons)

 

Au Costa Rica, on ne jure que par le Chiliguaro, qui a pour base un alcool de sucre de canne neutre que beaucoup considèrent comme la boisson nationale : le guaro. Le cocktail mélange le guaro Cacique, seule marque à commercialiser officiellement le guaro, avec du jus de tomate, du jus de citron et une sauce de type tabasco. Le tout est assaisonné à la convenance du mixologue avec du sel, du poivre voire du sucre, parfois twisté avec de l’oignon, de la coriandre et du poivron ou relevé par certains d’un trait de sauce lizano, utilisée comme condiment chez beaucoup de Costariciens et qui peut se remplacer par son équivalent britannique, la sauce Worcestershire.

Enfin, s’il peut froisser quelques puristes, le Fernet & Coca n’en est pas moins un cocktail hautement apprécié en Argentine. Connu sous les autres noms de « Fernando », ou « Fernandito », il repose sur une association prisée des jeunes Argentins (imités par les Boliviens, les Uruguayens ou encore les Paraguayens) : de l’amer italien Fernet-Branca, un peu de glace et du Coca-Cola. Saviez-vous qu’il est parfois surnommé « 90210 », comme le code postal de Beverly Hills ? On prétend que la formule magique du Fernando combine 90 % de Fernet-Branca, 2 cubes de glace et 10 % de cola. Pour 100 % de simplicité.

C’est parce qu’ils reposent sur de subtils dosages et des arômes riches, mais aussi parce que leur dégustation toute en saveurs et en couleurs est généralement une expérience partagée, heureuse et joyeuse, que certains cocktails sont devenus de véritables classiques. Proposées partout sur la planète et réinventées au gré de leur inspiration par les plus grands mixologues, ces créations gouteuses sont une spécialité en Amérique latine, où les terroirs et traditions fournissent des ingrédients d’une grande variété et d’une grande qualité.

Rappel : l’abus d’alcool est dangereux pour la santé, même dans le cadre de recherches culturelles…