Un aperçu du patrimoine mondial de l’UNESCO en Amérique latine

Sites classés : état des lieux en chiffres et en dates

« L’héritage du passé dont nous profitons aujourd’hui et que nous transmettons aux générations à venir » : c’est en ces termes que l’UNESCO décrit, sur son site officiel, la notion de patrimoine. Depuis 1978, l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture inscrit à sa prestigieuse liste les biens culturels et naturels présentant un intérêt exceptionnel pour l’humanité. La zone Amérique latine & Caraïbes en abrite à elle seule 141, parmi lesquels 96 sites culturels, 38 sites naturels (dont plusieurs, comme Rapa Nui, Iguazu, Tikal ou encore Canaïma, seront à l’honneur dans un prochain dossier consacré aux parcs nationaux) et 7 sites mixtes. Le Mexique est le pays du continent qui en abrite le plus, avec 35 lieux répertoriés. Le réseau de routes andin Qhapaq Ñan, long de plus de 30 000 km et inscrit en 2014, a la particularité d’être partagé par six pays : Argentine, Bolivie, Chili, Colombie, Équateur et Pérou.

Deux sites d’Amérique latine figurent au Patrimoine mondial depuis sa création : les îles Galápagos et la ville de Quito, situées en Équateur. Les Galápagos, au confluent de trois courants océaniques, sont célèbres pour les tortues géantes qui les peuplent, et plus généralement pour la richesse de leur faune. Quito, fondée au XVIe siècle sur les ruines d’une cité inca, à 2 850 m d’altitude, possède le centre historique le mieux préservé de toute l’Amérique latine. Son « école baroque », influencée par l’art espagnol, italien, mauresque, flamand et indien, a notamment donné naissance aux monastères San Francisco et Santo Domingo, mais aussi à l’église et au collège jésuite de la Compañia. Autant de monuments remarquables, dont la visite s’impose aux amoureux d’histoire et d’architecture !

En 2018, deux nouveaux sites d’Amérique latine ont intégré le Patrimoine mondial lors de son dernier comité, qui s’est tenu à Bahreïn l’été dernier : la Vallée de Tehuacán-Cuicatlán, au Mexique, et le Parc national de Chiribiquete, en Colombie. La première, dans la région méso-américaine, est à la fois l’un des principaux centres de diversification de la famille des cactus, menacée au niveau mondial, et une terre prisée des archéologues pour ses canaux, puits, aqueducs et barrages comptant parmi les plus anciens du continent. Le second, qui constitue la plus grande aire protégée de la Colombie, est célèbre pour sa biodiversité et ses peintures réalisées sur les parois de ses abris sous roche par les peuples autochtones, il y a 20 000 ans.

 

Capitales d’hier et d’aujourd’hui : un précieux patrimoine

L’UNESCO distingue aussi le glorieux patrimoine des grandes villes sud-américaines. Le Brésil compte ainsi plusieurs sites urbains classés, tels que les paysages cariocas de Rio de Janeiro, capitale du pays jusqu’en 1960, mais aussi la ville de Brasilia – qui la remplaça – distinguée dans son ensemble, et dont la création ex nihilo par Lucio Costa et Oscar Niemeyer révolutionna l’histoire de l’urbanisme. Au Mexique, la capitale Mexico apparait à deux reprises dans la liste de l’UNESCO : pour son centre historique, avec ses temples aztèques, sa cathédrale – la plus grande du continent – et ses bâtiments du XIXe et XXe siècle, mais aussi pour le Campus central de la Universidad Nacional Autónoma de Mexico, bel exemple du modernisme du XXe siècle sur lequel ont travaillé plus de 60 architectes entre 1949 et 1952.

Les autres pays d’Amérique latine ne sont pas en reste, à l’image de la Bolivie, dont la ville historique de Sucre, première capitale du pays fondée par les Espagnols au XVIe siècle, figure au Patrimoine mondial pour ses nombreux édifices religieux. C’est aussi le cas de La Havane, capitale de Cuba, distinguée pour sa vieille ville et son système de fortifications, mais aussi d’Antigua, ancienne capitale du royaume de Guatemala, connue pour son architecture coloniale de style baroque et de Renaissance espagnole, ainsi que pour ses ruines causées par un séisme en 1773. Au Pérou, Cuzco, qui fut la capitale des Incas, est elle aussi distinguée par l’UNESCO, tout comme la capitale actuelle, Lima, dont le centre historique abrite encore de belles bâtisses en dépit des différents tremblements de terre qui l’ont frappé.

Panamá Viejo, au Panama, figure au Patrimoine mondial pour l’architecture de son « District historique » aux influences tour à tour espagnoles, françaises et américaines anciennes. C’est aussi le cas de la ville coloniale de Saint-Domingue, édifiée selon un plan en damier qui servit de modèle à presque tous les urbanistes du Nouveau Monde, mais également de la Ciudad Universitaria de Caracas, au Venezuela, mise en valeur par des chefs-d’œuvre de l’architecture moderne et des arts plastiques, tels que l’Aula Magna avec les Nuages d’Alexander Calder, le stade olympique et la Plaza Cubierta.

 

Les vestiges de savoir-faire industriels et agricoles

Le Patrimoine mondial de l’UNESCO permet également de mettre en valeur certaines des activités industrielles ou économiques qui ont fait la prospérité et la réputation de plusieurs villes ou régions d’Amérique latine. Ainsi, l’agence spécialisée de l’ONU a intégré au Patrimoine mondial les usines de salpêtre de Humberstone et de Santa Laura, au Chili, qui représentent plus de 200 anciens sites d’extraction du salpêtre et où des ouvriers chiliens, péruviens et boliviens forgèrent, dès 1880, une culture commune qui se manifesta à la fois dans la richesse de la langue, la créativité, les liens de solidarité et les luttes pionnières menées pour la justice sociale. Aujourd’hui déserté, ce précieux patrimoine est classé parmi les sites en péril.

Les villes minières sont aussi à l’honneur, à l’image de Sewell, au Chili, construite en 1905 pour héberger les mineurs de ce qui allait devenir la plus grande mine souterraine de cuivre du monde, El Teniente. La ville historique de Guanajuato et les mines adjacentes, au Mexique, figurent elles aussi à la liste de l’UNESCO. Fondée par les Espagnols au début du XVIe siècle, Guanajuato est devenue deux siècles plus tard le premier centre mondial d’extraction de l’argent, comme en témoignent encore ses rues souterraines et la « Boca del Infierno », puits de mine qui plonge à 600 m sous terre. En Uruguay, le paysage industriel de Fray Bentos, bâti autour d’une usine de salaison fondée en 1859, a lui aussi été classé au Patrimoine mondial. Le site inclut également des logements et des institutions sociales.

Les paysages d’agaves et les anciennes installations industrielles de Tequila, au Mexique, comprennent des étendues d’agaves bleues, cultivées depuis au moins 2 000 ans pour la fabrication de boissons fermentées et de textiles, mais aussi des distilleries et des sites archéologiques témoignant de la culture Teuchitlan qui a façonné la zone de 200 à 900 apr. J.-C. En Colombie, c’est le paysage culturel du café dans son ensemble que l’UNESCO a distingué, comme le reflet d’une tradition centenaire et un exemple exceptionnel de paysage culturel productif et durable. À Cuba, le paysage archéologique des premières plantations de café du sud-est du pays compte parmi les sites classés. Ces vestiges éclairent l’histoire économique, sociale et technologique de toute la région Caraïbes-Amérique latine.

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Les sites classés au Patrimoine mondial de l’UNESCO revêtent une dimension universelle : ils appartiennent à l’humanité toute entière, dont ils racontent l’histoire, l’évolution et les grandes inventions. En Amérique latine comme partout ailleurs, ils sont aussi un témoignage précieux de ce que l’homme et la nature ont créé à la force du temps. Pour les pays qui les abritent, enfin, ils sont des biens inestimables qui participent à l’attractivité touristique, historique et écologique. Leur préservation n’est pas seulement une mission essentielle : c’est un enjeu vital.