Incas, Aztèques, Mayas, mais encore ? (2ème partie)

 

L’Amérique Latine est l’un des berceaux de l’Humanité. L’ancienne cité de Caral est considérée comme la plus ancienne trace de civilisation sur le continent. Elle est datée de 5 000 ans, soit l’Egypte ancienne. Les têtes de proue des civilisations précolombiennes, aujourd’hui on préfère le terme préhispaniques, Incas au sud ou Aztèques et Mayas au nord, alimentent l’imaginaire collectif depuis la conquête, mais qu’en est-il des autres ?

Ce petit panorama va vous éclairer. Sa gageure ? Vous faire découvrir quelques cultures, souvent méconnues, en vous aidant à intégrer leurs plus beaux vestiges, dans l’itinéraire de vos clients voyageurs. En effet nous n’aborderons que des civilisations, dont nous pouvons encore aujourd’hui, contempler l’héritage.

Car le voyage n’est-il pas intimement lié à la découverte des civilisations oubliées ? Les mystérieuses cités d’or cachées sous le sable, les temples sacrés enfouis dans la jungle, les pyramides protégeant les tombes de caciques, cette quête du légendaire a toujours animé le désir de voyage. La curiosité humaine est sans bornes, le besoin de savoir irrépressible, depuis toujours les esprits aventuriers, les pionniers, les ouvreurs de routes, ont toujours repoussé la frontière. Dès le premier contact en 1492, débute le mythe de l’Eden perdu, de la corne d’abondance, des montagnes d’or… l’Eldorado est à portée et motivera des générations de conquistadors.

Mais tout commence souvent avec les navigateurs au long cours, ils furent les premiers à voguer vers l’inconnu du « Grand Ouest »… Magellan au XVIème siècle, lors de son premier tour du monde, fonda ainsi le mythe des géants Patagons ou le Néerlandais Roggeveen, celui des Moaïs de l’Ile de Pâques… Ces légendes ont marqué les mémoires pour toujours. A partir du XIXème siècle, les archéologues aventuriers partent à la recherche des cités perdues, mettent à jour des cités ensevelies et créent tout un imaginaire, par le biais de leurs gravures puis de leurs photographies. Pour le continent américain, on se souvient de Stephens et Catherwood, Charnay ou encore Bingham, le « découvreur » du Machu Picchu. Ils ont initié la fable romanesque, voire romantique, sur les civilisations disparues, qui prendra encore de l’ampleur au XXème siècle. Pour preuve les croyances sur la société inca dans les années 60… Aujourd’hui déboutées…

Mais cet imaginaire a résisté à l’épreuve du temps. Et c’est avec le boom des vacances lointaines accessibles, qu’il sera souvent l’amorce du choix d’une destination. C’est ainsi que le Mexique, le Guatemala et le Pérou trouveront logiquement leurs aficionados. Teotihuacan, Chichen Itza, Tikal, Machu Picchu etc…, les cités magiques agiront pour toujours comme un pôle magnétique.

Mais il y en a tellement d’autres à parcourir aujourd’hui… Découvrons-les ensemble :

ARGENTINE, DIAGUITAS, LES RESISTANTS DU NORD

Quand on visite la merveilleuse région du NOA (nord-ouest argentin) il ne faut pas manquer le site de Quilmès à 55km au sud du village de vignerons de Cafayate. A environ 1 900 m d’altitude, il vous permet d’appréhender la saga de l’ethnie préhispanique majeure de cette région andine, les Diaguitas. Etablie depuis le Vème siècle dans la région, cette culture, dont le nom est issu du quechua, s’est formée autour d’un même langage adopté par plusieurs chefferies de ce bassin régional, qui s’étendait alors jusqu’au nord du Chili. Elle est célèbre pour avoir très longtemps résisté aux envahisseurs Incas, en s’appuyant en particulier sur le réseau de places fortes construites aux points stratégiques des vallées. C’est ensuite les Espagnols qui ne purent à leur tour imposer leur domination qu’après un siècle de pression militaire. La cité de Quilmès que l’on visite aujourd’hui, construite à flanc de colline aux environs de l’an 800 de notre ère, démontre parfaitement ce type de position dominante sur l’immense vallée désertique qui s’ouvre en contrebas. Sur un dénivelé d’environ deux-cent mètres, on admire aujourd’hui une centaine d’habitations parsemées de centaines de cactus candélabres, ainsi que des places communautaires et religieuses. Grâce à une technique d’irrigation très élaborée cette civilisation atteignit au cœur du désert andin, un haut niveau d’organisation, que révèlent notamment les superbes pièces de céramiques trouvées sur le site. Peuplée jusqu’à 3 000 habitants, elle subira un long siège des Espagnols, qui coupant le réseau d’irrigation des cultures vivrières, obtiendra en 1667 après un ultime combat, la reddition finale de ce bastion de résistance. C’est ainsi qu’une population d’environ 10 000 Diaguitas de toute la région, sera déportée à pied dans une cité ghetto dans la province de Buenos Aires à 1 400 km de là et sera nommée… Quilmès.

CHILI, RAPA NUI, L’ENIGME DE L’ILE DE PAQUES

Découverte le dimanche de Pâques en 1722 par un navire hollandais, l’île et ses énigmes n’ont cessé d’enflammer les imaginations. Elle fut annexée par le Chili en 1888. La rupture de la tradition orale dans la société rapanui au milieu du XIXème siècle ayant laissé place aux hypothèses parfois fantaisistes et contradictoires des archéologues… Faisant partie de la Polynésie, Rapa Nui est une île volcanique haute, résultat d’une forte éruption sous-marine (à l’instar d’Hawaï). Sa forme triangulaire (173km²) vient de la position des éruptions des trois volcans que l’on voit aujourd’hui. Il s’agit de la zone habitée la plus isolée du monde, la plus proche voisine étant Pitcairn à 2000 km. De par sa situation, l’île contient de nombreuses espèces endémiques, que l’on ne trouve nulle part ailleurs, bien que depuis l’occupation humaine de nombreuses ont disparu.

Les premières arrivées d’explorateurs venus des Marquises sur de grandes pirogues, sont datées du Vème siècle. S’en suit une phase de peuplement jusqu’au IXème siècle avec la venue durant cette période, du roi Hotu Matua qui envoya ses sujets peupler sept zones de l’île (chiffre important dans la spiritualité pascouane). C’est aussi le début de la culture mégalithique, qui singularise Rapa Nui, dont le processus connaîtra son apogée jusqu’à la fin du XVIIème siècle. Vient ensuite une période de conflits entre tribus (ou matas) issues des 6 lignées différentes du roi Hotu Matua. Après deux siècles elle conduit au renversement des moais et à la prépondérance du culte de l’homme-oiseau (ou Tangata Manu) traduisant une dévotion aux oiseaux capables de « s’échapper » de l’île. Il s’agissait d’un concours annuel au printemps entre les diverses chefferies. Chacun des chefs choisissait un homme fort de sa tribu pour récupérer le premier œuf du Manutara (hirondelle des mers) sur l’un des trois îlots au bas de la falaise d’Orongo. Cette épreuve de force, sachant de plus que les eaux sont infestées de requins, offrait le pouvoir pour une année au chef du vainqueur. L’alternance au pouvoir fut de fait une réalité. De culte animiste comme les Polynésiens, le panthéon pascouan se compose de nombreux dieux représentés sous les traits d’animaux mis à part le dieu créateur Make Make à qui l’on donna forme humaine et en l’honneur duquel d’ailleurs fut initié le culte de l’homme-oiseau.
Deux éléments modelaient la vie pascouane, le Mana, pouvoir surnaturel appartenant au roi, qui animait chaque chose, mais dont les moais étaient aussi dotés et qu’ils « prodiguaient » par leurs yeux de corail. Le Tapu représente les interdits qui ne devaient pas être franchis par le peuple sous peine de fortes représailles (jusqu’à l’exécution par exemple). Par exemple, les « ahu », plateformes sacrées supportant les moais, étaient « tapu ». La société rapanui se délite alors peu à peu en tant que telle jusqu’à l’arrivée de missionnaires catholiques au milieu du XIXème. De 12 000 habitants environ au début du XVIIIème siècle, la population ne dépassait pas le millier de personnes à la fin de ce même siècle. En 1871 on ne comptait plus que 175 Pascouans, suite à une épidémie de variole importée par des membres de la communauté revenus de l’île Guano où ils avaient été déportés par des esclavagistes.

Que symbolisent les Moais ?

Ces statues créées pour représenter les ancêtres importants de chaque lignée, prennent place sur des plateformes dans lesquelles sont logées leurs cendres. Toutes paraissent similaires avec ces grandes oreilles, ce long nez effilé et ces grands yeux mais toutes sont différentes car elles « caricaturaient » les traits du défunt, parfois on peut croire à un défaut de taille mais que nenni, c’est volontaire. Au cours des années la forme est devenue plus stylisée et la taille de plus en plus gigantesque démontrant ainsi le pouvoir et le prestige de chaque clan. Pour la construction, qui se faisait dans un site unique sur l’île, on délimitait la roche avant de tailler tout en laissant une quille dans le dos qui maintenait la statue à la roche maîtresse. La quille était ensuite éliminée afin que la statue glisse avec précaution vers le bas du volcan pour y faire les finitions (bras, oreilles, yeux…). On décompte aujourd’hui 600 moais sur l’île, avec une taille moyenne de 4 mètres et un poids moyen de 12 tonnes. Tous sont orientés vers l’intérieur des terres afin de « protéger » la population, mis à part un site unique faisant face à la mer au centre de l’île (Ahu Akivi) qui glorifierait les sept premiers rois.
Les moais auraient été renversés pendant les guerres tribales afin de « casser » le moral de l’adversaire qui ainsi perdait le « mana » de ses « protecteurs ». Ce culte du moai, véritable concours entre clans, serait l’une des composantes majeures de la décadence de la culture rapanui, en effet à son apogée, la taille des statues de plus en plus nombreuses et gigantesques, requerrait une main d’œuvre croissante qui était retirée des travaux de subsistances. Ainsi seraient nées les guerres entre tribus qui devaient voler la nourriture qui leur faisait défaut.

PANAMA, EL CAÑO, LA MECONNUE CULTURE GRAN COCLE,

Sur la Panaméricaine, à 2h30 de route à l’ouest de la ville de Panama, il faut faire une halte au site archéologique d’El Caño. L’unique site panaméen révélant les vestiges d’une société préhispanique très développée, certainement cousine septentrionale des grandes sociétés de Colombie. A l’arrivée on est surpris par un immense champ aride où dépassent quelques monticules puis au loin un petit alignement de colonnes… Puis on réalise très vite que l’on se trouve sur une immense nécropole où étaient inhumés les caciques de la culture Gran Cocle. Tous les monticules que l’on voit seraient en fait des tumuli funéraires non encore mis à jour. La datation situe la fondation du site autour de l’année 700 de notre ère pour une occupation qui d’étendit sur environ 300 années. En 2014, une grande découverte met la lumière sur le site, des archéologues excavent une tombe inviolée, dans laquelle on trouve tout le decorum funéraire original du grand cacique enterré ici. Quant aux colonnes, il s’agit de monolithes décorés d’une tête sculptée à la mémoire des hommes ensevelis. Elles furent malheureusement décapitées par des marchands sans vergogne. Les fouilles sont aujourd’hui arrêtées par manque de soutien financier d’Etat et le site fermé à la visite. Soutenez la Fondation El Caño qui tente grâce à des fonds privés de perdurer l’exploration de ce site qui pourrait peut-être se révéler un jour comme exceptionnel.

PEROU, CHIMU, L’AUTRE GRANDE CULTURE PRE-INCA DU NORD

Voici l’autre grande civilisation à découvrir au nord du Pérou depuis la ville de Trujillo. Développés entre 1 000 et 1 500, les Chimus furent les conquérants des Sican dont ils soumirent la capitale Tucume en 1375. A la suite de cette conquête ils ont ramené les meilleurs orfèvres Sican dans leur capitale, Chan-Chan, d’où une certaine confusion entre les styles Sican/Lambayeque et Chimu, que l’on a différencié depuis grâce aux travaux d’une équipe japonaise à Sican. Les Incas après leur conquête des Chimus en 1465 feront de même en envoyant les meilleurs artisans à Cusco. En effet, c’est sous les Chimus que les techniques de la métallurgie et de l’orfèvrerie se perfectionnent, avec la découverte de nouveaux alliages. Mais surtout leur civilisation se caractérise par une évolution de l’urbanisation et le développement d’un secteur administratif. C’est une société où le travail est très compartimenté entre agriculteurs, pêcheurs, potiers, tisserands et orfèvres, entre autre, où l’Etat a un rôle central de redistribution. Il organise les grands travaux (irrigations, constructions etc…) et fournit des services à la population, en échange de sa force de travail et de sa production agricole et artisanale. On comprend que cette société influente depuis le sud de l’actuel Equateur jusqu’au nord de Lima fit la convoitise des Incas. Pour mieux la connaître il faut impérativement visiter l’ancienne capitale de Chan-Chan, la plus grande agglomération préhispanique du continent, classée par l’Unesco. A seulement 15 minutes de route au sud de Trujillo au milieu du désert face au Pacifique, Chan-Chan fut initiée vers 1300. Il s’agit en réalité d’un immense ensemble de plusieurs cités, car chaque souverain en faisait construire une nouvelle pour son avènement. Le site est donc très étendu (28 km2) pour une population estimée à 60 000 habitants. Aujourd’hui on ne visite qu’une seule de ces anciennes cités, la citadelle Tschudi, du nom de l’archéologue allemand qui l’a fouillée. Contrairement aux pyramides mochicas qui s’empilaient dans la verticalité, les Chimus jouèrent sur l’horizontalité. On déambule ainsi d’un espace à l’autre : corredor, grande esplanade, salles administratives, entrepôts, cimetière etc… Le tout édifié avec des lignes épurées, décorées de motifs marins très stylisés, qui lui confèrent un cachet esthétique inédits en Amérique du sud.