Architecture coloniale en Amérique Latine

Pendant trois siècles, du début du XVIe au début du XIXe, l’Espagne et le Portugal règnent sur la plus grande partie du continent américain.

Les territoires conquis sont divisés en vice-royautés : vic-royauté de Nouvelle-Espagne, capitale Mexico, qui comprend toute l’Amérique Centrale, du Pérou, avec les pays andins, partagé ensuite entre vice-royautés de Nouvelle Grenade, du Rio de la Plata et du Brésil. Les règles d’urbanismes sont très strictes, un modèle d’architecture supplante les civilisations précolombiennes. Les villes nouvelles sont construites et se développent selon des plans précis envoyés par la Couronne d’Espagne, et doivent abriter les pouvoirs politiques, religieux et administratifs. Une « Plaza mayor » (plaza de Armas, ou zócalo) souvent carrée, avec l’église, le palais du gouverneur, et les bâtiments administratifs. Les rues étaient quadrillées permettant de s’étendre sans anarchie. Cette implantation entraîne une importante activité artistique, axée principalement sur l’art religieux inspiré des modèles venus d’Europe, fortement influencés par les spécificités locales. Une nouvelle vie architecturale et artistique s’épanouit avec toute la force, la fantaisie, les excès et la richesse de l’apport indigène. Une des plus belles réussites de cette fusion, entre la culture Inca et l’architecture baroque, nous pouvons l’admirer à Cuzco dans ce cadre exceptionnel, au cœur des Andes. Au Brésil, l’architecture coloniale apparaît plus tard et n’obéit pas à des règles venues d’en haut, c’est l’apanage des particuliers.

Au début de la première époque baroque, les églises sont souvent fortifiées et austères, puis les architectes venus d’Espagne commencent à construire plus librement.
La seconde période du baroque, est l’apanage des artistes locaux métis ou indiens, de nombreuses églises font montre de façades richement ornées, apparaissent des motifs végétaux, animaux. Parmi les exemples les plus marquants du baroque latino-américain, la cathédrale emblématique de Mexico ; la façade de l’église Saint Jacques d’Arequipa au Pérou ; celle de Saint Jacques de Potoma au Guatemala, bel ensemble de style métis. L’influence ibérique, surtout andalouse, style mudejar, est prédominante dans l’architecture latino-américaine ; au XVIIIe elle atteint un épanouissement unique. Les Jésuites arrivés au XVIe, d’abord au Mexique, apporteront l’usage de la brique, de la chaux et de la tuile, et participeront à la construction de nombreux édifices dont la création des Missions Jésuites. Trente villages guaranis s’étendront sur un territoire correspondant à la région frontalière entre le Paraguay, l’Argentine et le Brésil actuels. Quinze de ces villages sont en Argentine, sept des anciennes missions forment aujourd’hui le circuit international des missions jésuites, déclarées patrimoine de l’Humanité, comme un très grand nombre de villes et villages d’Amérique Latine.

Survol de quelques beaux exemples de villes et villages coloniaux.

Pérou.

Cuzco * est un superbe exemple, la petite ville, située dans les Andes, à 3 400 m d’altitude, au cœur de la très fertile Vallée Sacrée, elle fut la capitale de l’Empire inca. Les énormes murs aux pierres parfaitement appareillées qui l’entourent, témoignent du génie architectural de ce peuple. La ville coloniale a été construite sur les ruines de l’Empire inca.
La Plaza de Armas, la plus belle place du pays, est bordée par deux chefs d’œuvre d’architecture remarquable : la cathédrale, édifiée entre 1566 et 1669. A l’intérieur se trouvent de beaux tableaux de l’Ecole de Cuzco ; l’Eglise de la Compagnie de Jésus, construite en 1571, sur les fondations du Palais du dernier Inca Huayna Capac, exhibe une façade richement décorée, de style baroque espagnol, dit churrigueresque, exemple typique de la fusion des deux cultures ; Le centre de la cité se compose de belles maisons, aux balcons de bois sculptés, les ruelles étroites débouchent sur de belles places aux pavés bien entretenus. On y admire de nombreux édifices : L’Eglise de la Merced, la troisième plus belle église de Cuzco, les églises de San Francisco, San Blas, Santo Domingo, le Monastère de Santa Catalina. Se promener dans les rues de Cuzco, profiter des paysages et du climat, est un moment fascinant et inoubliable.
Lima, * la « Ville des Rois », fondée en 1535 et capitale du Vice Royaume. On y remarque la Plaza de Armas, ornée d’une fontaine en bronze du XVIIe, le palais du Gouverneur, de style baroque français, la cathédrale du XVIIIe, le palais de l’Archevêché orné d’un impressionnant balcon de bois ajouré, de belles demeures coloniales, des églises, couvents, monastères chargés d’histoires et le palais de Torre Tagle, actuellement siège du ministère des Affaires Etrangères.
Arequipa, * fondée en 1540, entourée de volcans aux cimes enneigés, est une petite merveille d’architecture originale du XVIe siècle. Ses maisons de pierre d’un blanc étincelant, exposées toute l’année au soleil, lui ont valu le surnom de «ville blanche». Sur la Plaza de Armas, on contemple les bâtiments aux balcons à colonnades, la Cathédrale, l’un des plus beaux monuments, l’Eglise de la Compagnie, sa façade magnifiquement ciselée et son maître-autel recouvert de feuilles d’or, la Casa del Moral, ancienne maison seigneuriale et tant d’autres merveilles. Le Monastère de Santa Catalina, bâti en 1580, aux couleurs blanc, ocre, indigo et bleu est l’un des plus grands (20.000m2) et des mieux conservés de toute l’Amérique, avec ses escaliers, ses cloîtres, ses places et ses jardins dans lesquels il fait bon se promener.

Mexique.

Dix villes coloniales sont classées au Patrimoine Mondial, Oaxaca, Mexico, Puebla, Guanajuato, Morelia, Zacatecas, Querétaro, Tlacotalpan, Campeche et San Miguel de Allende.
La Ville de Oaxaca, du 19 au 22 Novembre 2013, sera la capitale culturelle du Monde et le siège du XIIe Congrès Mondial de l’Organisation des Villes du Patrimoine Mondial. Elle accueillera les maires et les représentants de plus de 230 villes à travers le monde ainsi que des experts, des scientifiques et des responsables d’organismes internationaux.
Mexico. * La cathédrale de Mexico, la plus grande d’Amérique Latine, domine de son immense et magnifique façade la place centrale. Construite entre 1573 et 1813, c’est un mélange unique de tous les styles architecturaux du XVIe au XVIIIe siècle, avec cinq nefs et seize chapelles latérales. A l’intérieur, de merveilleux retables et autels, dont celui des Rois, l’un des plus beaux monuments de l’art churrigueresque mexicain, 25 m de haut, 13m de large et 7 m de long. Soixante sept tours accueillent 56 cloches. La plus imposante, Santa Maria de Guadalupe, pèse environ treize tonnes. La plus ancienne date de 1578
San Miguel de Allende * : Ce joyau colonial, fondé en 1542 par un moine franciscain, est très apprécié des artistes qui admirent sa lumière, ses couleurs, ses rues pavées avec ses églises pittoresques. L’architecture de la ville est un savant mélange d’influences espagnole et mésoaméricaine où l’on retrouve les styles baroque, néoclassique et néogothique, particulièrement flagrant dans l’église en pierre rose du XVIIIe siècle sur la Plaza Principal.
Puebla, * compte parmi les belles villes du Mexique. Le centre est une petite merveille d’architecture coloniale baroque. On l’a appelée la « ville des anges » eu égard aux nombreux couvents et somptueuses églises. Citons entre autres, la Chapelle du Rosario dans l’église Santo Domingo, la plus impressionnante, grand exemple du baroque mexicain, avec les murs et l’autel de la chapelle entièrement recouverts d’or ; de magnifiques demeures coloniales du XVIIIe, de style baroque, la fameuse Maison des Muñecos, actuel Musée Universitaire, dont la façade est couverte de mosaïques et ornée de motifs représentant des personnages grotesques allégoriques. La Cathédrale, imposant édifice de pierre grise, de plusieurs styles, domine la belle place de Puebla, avec ses Anges qui surmontent le parvis et, nombreux musées et couvents de l’époque coloniale.
L’Amérique Centrale a été victime de nombreux tremblements de terre mais il reste encore des édifices coloniaux intéressants.

Guatemala

Antigua, * cette petite ville, ancienne capitale du royaume du Guatemala, était à l’époque considérée comme la troisième plus belle ville d’Amérique Latine, elle est encore la mieux conservée. Connue pour son architecture coloniale, bien que détruite par un tremblement de terre en 1773, on y découvre la richesse d’une agréable et pittoresque ville pleine de charme. Il fait bon de promener au hasard des ruelles avec ses pavés mal ajustés, ses toits de tuiles et ses monuments, bordés de vénérables demeures aux patios fleuris, où les habitants de la capitale viennent se ressourcer. C’est une petite ville à taille humaine, au climat printanier, un site exceptionnel dominé par de majestueux volcans. Antigua vit encore au rythme de son passé. Le style baroque domine les édifices : Hôtel de ville, Palais de La Capitainerie générale, Cathédrale, mais aussi nombre d’églises et de couvents, la ville comptait 38 établissements religieux, des fontaines sculptées, témoins de la splendeur passée d’Antigua.

Nicaragua.

Grenade,* Fondée en 1524, a longtemps été la principale ville de la région, Plusieurs fois pillée, au cours du XVIIe, par des pirates provenant de France et d’Angleterre. Dominée par le volcan Mombacho, sur la Côte Ouest du Lac du Nicaragua, elle est connue pour son architecture coloniale extrêmement bien conservée. Elle est appelée « La Grande Sultane » eu égard à ses bâtiments de style andalou-mauresque, la Cathédrale et ses quatre belles chapelles, a été plusieurs fois reconstruite. Située sur la Plaza Colon, au cœur de la ville coloniale, son style néo-classique est facilement reconnaissable dans la construction de la façade. A la fin du XIXe siècle, la construction de la nouvelle cathédrale a été interrompue par manque de moyens

Colombie

Carthagène des Indes * est l’une des plus belles villes coloniales d’Amérique du Sud. Centre des expéditions de la conquête, entourée d’imposants remparts, défendue par des forts qui protégeaient la baie, c‘est l’œuvre d’architecture militaire la plus importante de l’Empire espagnol. La vieille ville coloniale, merveilleusement restaurée, avec ses nombreux palais, de très belles demeures seigneuriales, datant du XVIIe, aux balcons et miradors ciselés, accompagnent le visiteur parmi les rues enchevêtrées. La cathédrale, commencée en 1575, achevée en 1612, son bel autel néo-classique, l’Eglise Santo Domingo du XVIe, le couvent de La Popa perché sur sa montagne, qui domine toute la ville et l’église San Pedro Claver, patron des esclaves sont autant de joyaux de l’époque coloniale
Citons aussi : Popayan fondée en 1536, abrite de très anciennes demeures seigneuriales, de nombreux édifices : des églises qui recèlent des trésors de grand prix, chapelles, monastères, musées, théâtres, qui datent des XVIe et XVIIe. Bogotá, la belle place Bolivar construite selon les canons imposés par la Couronne, le vieux quartier de la Candelaria. La région andine de Boyacá , où dans les replis des Andes se cachent certaines des plus belles villes et villages coloniaux : Tunja sa cathédrale et l’église Santo Domingo ; Villa de Leiva, connue pour son architecture coloniale, la grande place avec la traditionnelle église, de belles demeures du XVIe ; cité des couvents, des petites places pavées, dominée par la majesté des Andes.

Equateur.

La ville de Quito * à 2 850 m d’altitude, dominée par les volcans, fait aussi partie des plus belles villes coloniales d’Amérique Latine. Elle est l’une des mieux conservées. Le centre historique qui compte près de 300 bâtiments de style colonial, abrite les plus beaux trésors d’architecture baroque du continent, quelques merveilles comme les monastères de San Francisco et Santo Domingo, l’église de La Compagnie, d’un style baroque exceptionnel, avec une façade en pierre magnifiquement sculptée, l’une des plus riches du continent, l’ancienne université et le monastère de la Merced, un exemple parfait de l’art colonial métis, enrichi de détails andaloux-mauresques et d’influences indigènes. La cathédrale Metropolitana, la plus ancienne d’Amérique du Sud, affiche un harmonieux mélange architectural, de style andaloux et baroque avec des arches gothiques.
Cuenca, * est une ville à part, un peu hors du temps. Dans le centre historique se trouvent de nombreux monuments des XVIe et XVIIe, ses rues pavées, ses cathédrales, ses constructions en marbre et ses façades blanches contribuent à la fierté de son passé culturel et intellectuel.

Bolivie

L’époque coloniale a laissé son emprunte dans quelques villes comme Sucre, Potosi et La Paz, mais ce qui domine, ce sont les églises construites à cette période. Arrive le style métisse, 1690-1790, qui ajoute une touche régionale avec des sculptures décoratives fantaisistes, de flore et faune tropicales, la représentation de divinités incas, masque du soleil, grenouilles et sirènes.
Sucre, la capitale constitutionnelle de la Bolivie, fondée en 1538, possède une belle architecture des XVIIIe et XIXe. De belles demeures seigneuriales aux portes imposantes et balcons d’angle en bois, entourent la fameuse Plaza de Armas ; la couleur blanche domine, contrastant avec le rouge des toits en tuiles. Parmi les édifices les plus remarquables de Sucre, la cathédrale commencée en 1551, avec ses trois nefs, le couvent de la Recoleta, construit en 1601 par les Franciscains, un des joyaux de la ville, avec un merveilleux cloitre et une belle église de style néoclassique, et de nombreux églises dont San Miguel construite en 1612 par les Jésuites, de style andalou-mudejar qui possède une des décorations intérieures les plus riches de Bolivie.

Argentine

La ville de Salta, au pied de la cordillère orientale des Andes, est la plus belle ville du pays. Construite en 1582, elle servait d’étape entre Lima et Buenos-Aires, alors qu’elle dépendait du Vice-Royaume du Pérou. Entourée par les imposants pics des Andes, au cœur d’une région magnifique, elle abrite en son centre de nombreux édifices coloniaux, belles églises et couvents côtoient de charmantes maisons seigneuriales et des musées. Salta est la ville du refuge des traditions et de l’art précolombien.
Córdoba . La cathédrale la plus ancienne et la plus importante d’Argentine et l’un des plus beaux exemples de l’architecture baroque en Amérique. Aux alentours de Córdoba, de nombreuses estancias, la plupart d’anciennes réductions jésuites, classées au patrimoine mondial de l’Humanité : l’Estancia d’Alta Gracia, transformée en musée celle de Santa Catalina, construite par le conquistador fondateur de la ville de Córdoba, l’estancia de Jesús Maria, du XVIe s’est développée à l’époque coloniale, comme ville étape reliant les ports de l’Atlantique aux régions minières du Haut Pérou, actuelle Bolivie.

Brésil

Ouro Preto * petite ville fondée au XVIIe, dans l’Etat de Minas Gerais, au coeur d’une région montagneuse de collines et de vallées, est un joyau baroque où le temps semble s’être arrêté. Ses anciennes ruelles pavées, pleines de charme, construites à flanc de coteaux, ses somptueuses églises baroques, ses riches demeures et ses fontaines, sont autant de souvenirs qui font d’Ouro Prieto un des hauts lieux du tourisme culturel du Brésil
Diamantina * est une ville coloniale insérée comme un joyau dans un massif montagneux inhospitalier, construite durant le début du XVIIe. Diamantina est l’une des villes les plus isolées de l’État du Minas Gerais. Comme son nom l’indique, elle était le centre minier des diamants. La ville, véritable exemple de l’architecture baroque brésilien, ses ruelles serrées, en pente, rappellent les villes médiévales portugaises ; églises et maisons, témoignent de cette influence, qui se distingue des autres villes coloniales. L’église Notre Dame du Carmo, est curieuse, sa tour est placée à l’arrière du bâtiment et non en façade. Plus curieusement encore, la colombe au dessus de l’autel est remplacée par un diamant, diamants obligent !
Salvador de Bahia. Berceau culturel du pays, Salvador est métissée, point de rencontre des cultures européennes, africaines et amérindiennes. Son centre historique a préservé les nombreux exemples d’architecture de la Renaissance, on y retrouve le Portugal. Les maisons polychromes aux couleurs vives, ornées de belles décorations en stuc, un peu défraichies, sont une des caractéristiques de la vieille ville. L’ancienne capitale du Brésil, fondée en 1535, est célèbre par les splendeurs coloniales de sa vieille ville, et aujourd’hui, célèbre aussi pour son
carnaval, son littoral et sa baie majestueuse.

Nota : Les villes classées au patrimoine culturel de l’humanité sont signalées par une *