Sur les traces des écrivains célèbres d’Amérique latine

 

Pour découvrir un pays, on peut certes voyager, mais on peut également s’imprégner des coutumes, des odeurs, de l’histoire, des paysages à travers la littérature, que ce soit dans les nouvelles, les romans ou la poésie… Dans leurs livres, les auteurs latino-américains – inspirés par leur histoire ou l’Histoire avec un grand H – décrivent différents visages de l’Amérique latine : multicolore et métissé, parfois pauvre ou parfois riche, tantôt merveilleux, tantôt difficile… De la Colombie au Brésil en passant par le Chili, le continent sud-américain est une intarissable source d’inspiration. Voici un tour d’horizon des lieux, des pays ou des régions qui ont marqué cinq auteurs phare d’Amérique latine.

Le Brésil de Jorge Amado

Jorge Amado est né en 1912 dans une plantation de cacao de la province de Bahia. Témoin de la vie rude dans les communautés pauvres, il décide d’étudier le droit, et devient militant communiste. Cet engagement lui vaudra quelques années d’exil – chaque fois que le parti sera interdit au Brésil – d’abord en Argentine et en Uruguay au début des années 1940, puis en Europe au début des années 1950. Avec sa femme et son fils, ils s’installent dans un premier temps à Paris, où ils rencontrent d’autres artistes latino-américains, qui, comme eux, ont fui la répression communiste. Cet exil forcé leur aura finalement permis de tisser des liens autour de leurs convictions communes. Jorge Amado côtoie écrivains, poètes, dirigeants communistes… et ensemble, ils œuvrent activement pour le Mouvement mondial pour la paix. Mais là aussi, dans le contexte de Guerre Froide, Amado est expulsé de Paris, avec sa famille. Ils sont alors accueillis en Tchécoslovaquie. Enfin, à leur retour au Brésil, en 1955, Amado abandonne l’activité politique et se consacre à l’écriture. Certains de ses romans sont très marqués par son militantisme face à la misère et à l’oppression des classes les plus pauvres du Brésil (« Cacao », « Suor »). Puis, au fil des ans, son amour pour Bahia sera de plus en plus présent : « Bahia de Tous les Saints » et « Mar Morto », jusqu’à devenir une ode à son Brésil natal : la culture afro-brésilienne de Bahia, ses personnages colorés, l’ambiance de carnaval, etc. Des romans dont le succès inspirera films et télénovelas, telle « Dona Flor et ses deux maris ». Depuis 2015, il est possible de visiter sa maison de Salvador de Bahia, dans le quartier de Rio Vermelho. Une véritable immersion dans ce havre de paix où Amado a vécu de nombreuses années avec son épouse Zélia Gattai. Sa salle de travail, sa cuisine, son jardin… sont désormais ouverts aux visiteurs qui pourront découvrir des enregistrements audios, mais aussi des photos et des objets personnels exposés en mémoire de l’écrivain.

La Colombie de Gabriel García Márquez

Bien qu’ayant voyagé et vécu dans divers endroits du monde – Europe, Venezuela, Cuba, New-York, Mexico…, Gabriel García Márquez restera fortement marqué par son enfance dans la région qui l’a vu grandir : La Grande Caraïbe ColombienneD’Aracataca, où il est né en 1927, à Carthagène des Indes en passant par Barranquilla, ou encore Sucre… le célèbre écrivain a baigné dans cette Colombie métissée, où s’entremêlent une grande richesse culturelle et des paysages variés : la côte Caraïbe, le désert de la Guajira, les parcs naturels et les sommets de la Sierra Nevada de Santa, des communautés indigènes aux modes de vie ancestraux, des villes à l’architecture coloniale… Gabriel n’a que deux ans quand ses parents partent vivre à Barranquilla et le confient à ses grands-parents maternels. Il grandit bercé par les histoires et les enseignements de son grand-père et les croyances de sa grand-mère, héritées des traditions culturelles locales. Ces récits seront une grande source d’inspiration et influenceront son œuvre : García Márquez évoque souvent des moments clés de l’histoire sud-américaine dans lesquels il insère des références du folklore et des mythes populaires. Ce style littéraire dans lequel l’auteur mixe réalité et éléments de fiction surnaturels, irrationnels ou magiques, est appelé réalisme magique. L’écrivain sera considéré comme l’un des grands noms du genre et obtiendra le prix Nobel de littérature en 1982. Au-delà de l’influence incontestable de ses grands-parents, c’est toute la région qui aura laissé une trace indélébile dans l’œuvre de Gabriel García Márquez : la culture chamanique des indigènes de la Grande Caraïbe Colombienne qui s’invite dans ses histoires, tout comme la musique vallenato si présente dans « Cent Ans de Solitude » et dont il dira « L’influence littéraire la plus importante, dans mes écrits, c’est la musique populaire de chez moi, ma première émotion esthétique a été la musique des Caraïbes ». Parmi les lieux incontournables, on peut citer Aracataca qui l’a inspiré pour son village de Macondo dans « Cent Ans de Solitude ». Vous pouvez toujours y visiter la maison d’enfance de l’écrivain, aujourd’hui reconvertie en musée ainsi que l’église où il a été baptisé. Et aussi Carthagène des Indes – théâtre de son roman « L’amour au temps du choléra » – qui a eu une importance toute particulière dans la vie de García Márquez : c’est dans cette somptueuse ville coloniale qu’il a construit sa résidence – que vous pouvez visiter – et que reposent désormais ses cendres.

Le Mexique de Carlos Fuentes

Né en 1928 de parents diplomates, Carlos Fuentes grandit aux quatre coins de l’Amérique latine : de l’Équateur au Chili en passant par l’Uruguay, l’Argentine et le Brésil – ils vivent également quelques temps à Washington. Toutefois, il revient chaque été au Mexique pour garder le lien avec ses origines et la culture de son pays, pour lequel il a un profond attachement. Au Chili, il découvre les grands poètes : Gabriela Mistral, Pablo Neruda… « Un pays où les mots étaient porteurs de liberté, où j’ai compris l’alliance entre la littérature et la politique. ». Une prise de conscience qui influencera sa vie, sa carrière, ses romans. C’est donc très jeune qu’il commence à prendre position contre ce qui l’indigne et à s’engager dans les sujets politiques. À 16 ans, alors qu’il vit à Buenos Aires, il affirme son opposition au Gouvernement Argentin qui soutient l’Allemagne Nazi en refusant d’aller en cours – et en profite pour découvrir Jorge Luis Borges. Quelques années plus tard, il étudie le droit à l’Université de Mexico, puis l’économie à l’Institut des hautes études de Genève. Ce qui lui permettra d’accéder à diverses fonctions officielles pour le Mexique – il sera notamment ambassadeur en France pendant plusieurs années (à Paris il rencontrera d’ailleurs Mario Vargas Llosa et Gabriel García Márquez). Son amour pour son pays – Carlos Fuentes dira : « Mexico est la seule ville qui stimule mon imaginaire » – ainsi que la situation dramatique dans laquelle se trouve le Mexique seront une source d’inspiration primordiale pour ses romans. À travers ses personnages, il dissèque l’identité mexicaine pour mieux la comprendre et porte un regard critique sur la société et la violence qui le ronge. À lire absolument ; « Jours de carnaval », « La plus limpide région », « La mort d’Artemio Cruz » ou encore « Le bonheur des familles »…

Le Pérou de Mario Vargas Llosa

Né à Arequipa en 1936, Mario Vargas Llosa passe une partie de son enfance en Bolivie (où son grand-père tient une plantation de coton) avant de revenir vivre avec sa famille au Pérou vers 1945. Durant ses études, il découvre Sartre et le marxisme. Puis, l’histoire politique du Pérou – avec le coup d’état et la dictature du général Odría – marque le début d’un engagement politique constant, qui influencera son écriture. Mario Vargas Llosa y dépeint notamment la mutation des sociétés latino-américaines écrasées par les dictatures, et empreintes de corruption. À l’instar d’autres écrivains latino-américains (Carlos Fuentes et Gabriel García Márquez pour ne citer qu’eux), qui deviendront à ses côtés les futurs piliers du « boom de la littérature latino-américaine » des années 1960, Vargas Llosa partage sa vie entre l’Europe et l’Amérique du Sud. Dans ses livres, Mario Vargas Llosa fait justement de nombreuses références à ses lieux de vie européens comme Madrid, Paris ou Londres… Mais c’est surtout le Pérou qui tient un rôle central dans son œuvre, et l’intrigue de la plupart de ses romans s’y déroule. Véritable observateur de l’Amérique latine, l’écrivain décrit la variété des paysages péruviens, les inégalités sociales entre les beaux quartiers et ceux plus populaires de la capitale, ou encore le monde des mineurs et des aventuriers des Andes… En effet, Lima est très souvent le théâtre de ses récits (« Tours et détours de la vilaine fille », « La Ville et les chiens », « La vérité par le mensonge », etc.), mais aussi Arequipa où il est né (« Ma parente d’Arequipa »), Piura où il vécut enfant à son retour de Bolivie (avec « La maison verte »), ou encore les paysages escarpés des Andes (« Lituma dans les Andes »). À Arequipa, la maison dans laquelle est né le prix Nobel de littérature, Mario Vargas Llosa, est devenue un musée qui présente, à travers des hologrammes et des films en 3D, la vie de l’écrivain.

Le Chili d’Isabel Allende

Bien que l’histoire d’Isabel Allende soit intimement liée à celle du Chili – elle est la nièce de Salvador Allende, président du Chili de 1970 à 1973 – elle a souvent dû vivre loin de son pays. Née en 1942 au Pérou quand son père y était diplomate, elle y a vécu jusqu’à la séparation de ses parents 3 ans plus tard. Sa mère est alors revenue vivre avec ses trois enfants à Santiago, jusqu’à ce qu’elle épouse en secondes noces un autre diplomate qui sera affecté en Bolivie, puis au Liban. À 16 ans, Isabel revient au Chili pour ses études et rencontre son futur mari avec lequel elle aura deux enfants. Puis l’histoire donne un nouveau tournant à sa vie. Après le coup d’état de 1973, au cours duquel son oncle se suicide, et la mise en place de la dictature de Pinochet, elle prend le chemin de l’exil avec sa famille et s’installe au Venezuela en 1975. Cet éloignement forcé donnera une nouvelle dimension à son attachement pour le Chili, exacerbé quelques années plus tard par l’annonce de la mort imminente de son grand-père bien-aimé. Elle prend alors la plume pour lui écrire une lettre, qui donnera le jour à son premier roman – et immense succès qui sera même adapté au cinéma – « La Maison aux esprits ». Elle deviendra rapidement l’écrivain latino-américain le plus lu au monde. Isabel Allende puise son inspiration dans son vécu et ses expériences. « L’écriture vient du fond de soi-même, de la mémoire, de la souffrance. », dira-t-elle. L’œuvre d’Allende fait régulièrement référence à ce Chili troublé, qu’elle a dû quitter si souvent. Elle le passe au crible dans plusieurs de ses romans : « Mon pays réinventé », « Fille du destin », « Plus loin que l’hiver », « Portrait Sépia », « La somme des jours », « Le cahier de Maya »… Une bien agréable façon de découvrir la société, la culture et l’histoire de ce pays, que décrit si bien Isabel Allende.

 


Grâce à la littérature, ces écrivains – et bien d’autres également – dévoilent un extrait d’Amérique latine : les cultures, les paysages, les traditions, l’histoire…
C’est une belle entrée en matière pour s’immerger dans ces contrées lointaines et donner envie au lecteur d’explorer ce vaste continent, tout en découvrant les œuvres de ces écrivains de renom, qui ont contribué au rayonnement de leurs pays à travers le monde.