Prix Nobel en Amérique Latine

Le Prix Nobel, créé en 1901 par le « chimiste » suédois Alfred Nobel, est la récompense la plus prestigieuse et la plus médiatique au monde. Décernée chaque année à une ou plusieurs personnalités ou institutions appartenant à différentes disciplines, selon le testament de son fondateur « ayant fait la preuve d’un puissant idéal », en : physique, chimie, médecine ou physiologie, action en faveur de la paix et de la littérature. D’abord européenne, l’origine des candidats s’est étendue au monde entier. Depuis lors l’Amérique Latine s’est vue honorée par cinq importants Prix Nobel de Littérature dont on a beaucoup parlé : Gabriela Mistral (Chili, 1945), Miguel Angel Asturias (Guatemala 1967), Pablo Neruda (Chili, 1971), Octavio Paz (Mexique, 1990), Mario Vargas Llosa (Pérou, 2010), et deux prix Nobel de la Paix : Oscar Arias Sánchez (Costa Rica, 1987) et Rigoberta Menchú (Guatemala, 1992).

Prix Nobel de littérature

gabriela-mistral.jpgGabriela Mistral (1889-1957). La grande poétesse chilienne, Lucia de María del Perpetuo Socorro Godoy, est le premier écrivain Latino Américain à recevoir en 1945 le Prix Nobel de Littérature. Elle jouit d’un grand prestige dans son pays, à l’égal du poète chilien Pablo Neruda, qui suivra son exemple en 1970. Elle reçoit également en 1947 le titre de Doctor honoris causa du Mills College d’Oakland, en Californie, avant d’être couronnée en 1951 par le Prix Littéraire National du Chili. Il existe une stèle en son honneur dans le magnifique jardin de Dar Sebastian, à Hammamet, en Tunisie. Gabriela Mistral est très estimée dans le monde hispanophone ainsi qu’aux États-Unis. À l’époque, elle sera moins connue en France, par manque de traduction; ses œuvres seront publiées plus tardivement grâce aux traductions de Roger Caillois en 1945 et de Claude Couffon en 1989.
Elle a trois ans quand son père, instituteur, abandonne sa famille, la réduisant à une vie pauvre et dure. Sa mère meurt en 1929 et Gabriela lui dédie la première partie de son livre « Tala » en 1938. En 1914 elle remporte à Santiago le prix Juegos Florales (Les Jeux Floraux) avec son recueil « Sonetos de la muerte » et prend alors le pseudonyme de Gabriela Mistral composé des noms de ses deux poètes favoris, Gabriele D’Annunzio et Frédéric Mistral. Invitée au Mexique, elle met en place un système de bibliothèques, puis parcourt l’Amérique Latine – Brésil, Uruguay et Argentine – De 1925 à 1934, elle visitera toute l’Europe, la France, l’Italie, des universités américaines jusqu’à sa mort. Elle sera consul du Chili dans de nombreux pays comme les États-Unis, la France, l’Italie ou l’Espagne. À Madrid ‘elle côtoie Pablo Neruda dont elle fait reconnaître la valeur. Elle écrit durant cette période des centaines d’articles pour les journaux et les magazines hispanophones du monde entier. Elle passe les dernières années de sa vie à Hempstead dans l’État de New York où elle meurt en 1957. Sa dépouille est ramenée au Chili et le gouvernement chilien décrète trois jours de deuil national pour leur poétesse.

miguel-angel-asturias.jpg Miguel Angel Asturias (1889-1974) est un poète et écrivain guatémaltèque. Né à Guatemala-City, il a 5 ans lorsque pour des raisons politiques sa famille s’installe au Mexique et ne rentrera au Guatemala qu’en 1908. Miguel Angel fait ses études de droit à l’Université de San Carlos, devient avocat ; sa thèse : « El problema social del Indio », publiée ultérieurement, sera le sujet auquel il s’intéressera pendant toute sa vie. Il étudie les cultures précolombiennes et part en France pour poursuivre ses études d’anthropologie en Sorbonne. À Montparnasse, il subit l’influence des artistes et écrivains, se met à écrire, poèmes et fictions. Il revient au pays, se lance dans la politique, ce qui lui vaudra une vie agitée. Élu député en 1942, expulsé du pays en 1954, il passe huit ans à Buenos-Aires, part en Europe, s’installe à Genève, où sa réputation d’écrivain s’accroît avec la publication de son nouveau roman « Mulata de Tal » (1963), traduit en anglais et publié à Boston. Réhabilité en 1966 par le nouveau Président Montenegro, il est nommé Ambassadeur à Paris, où il réside plusieurs années. Plus avant il participe à la rénovation de l’Université Populaire du Guatemala. Il passe les derrières années de sa vie en Espagne où il meurt en 1974; il est inhumé au Père Lachaise à Paris sous un totem maya.
Toute son œuvre reflète sa préoccupation de donner le véritable visage du monde maya et à faire reconnaître la culture indigène, que l’on retrouve dans « Leyenda de Guatemala », un monde en total harmonie avec la nature. Sa contribution à la littérature guatémaltèque a été très importante pour l’époque. À sa mort, le Gouvernement lui rendra hommage en reconnaissance de son oeuvre, il créera des prix littéraires et des bourses qui portent son nom, et le Théâtre National de la ville prendra aussi le nom de « Centro Cultural Miguel Angel Asturias ».

pablo-neruda.jpg Pablo Neruda (1904-1973). Poète et écrivain Chilien.
Né à Parral, Chili. Il perd sa mère deux mois après sa naissance. Son premier apprentissage est la nature « Mon enfance, ce sont des souliers mouillés, des troncs cassés, tombés dans la jungle, décorés par les lianes. C’est la découverte du monde du vent et du feuillage ». Il fréquente le lycée à Temuco. À treize ans, il publie ses premiers poèmes et textes en prose. À dix-sept ans, il part pour Santiago, pour étudier la langue et la littérature française. Il prend un pseudonyme en hommage au poète tchèque Jan Neruda (1834-1891). À dix-neuf ans, il se fait rapidement connaître avec la publication de « Crepusculario » et des recueils de poésie, « Veinte poemas de amor y una canción desesperada » qui marquent la première étape de sa production poétique. En 1927, Neruda entre au service diplomatique, ce qui le conduit en Birmanie, à Colombo, Java, Singapour. En décembre 1930, il épouse une hollandaise, dont il aura une fille ; en 1932, il rentre au Chili, un an après il publie « Residencia en la tierra ». À partir de 1935, il est consul en Espagne, et reprend ses relations avec Federico García Lorca qu’il avait connu à Buenos Aires. García Lorca aura une influence déterminante sur sa vie et son œuvre. Après le putsch de Franco du 18 juillet 1936 et l’assassinat de García Lorca, Neruda prend parti pour la République espagnole. Il est révoqué comme consul et commence « España en el corazón », qu’il publie en 1937.
En août 1939, il affrète un bateau, le Winnipeg, pour transporter des réfugiés espagnols de la France vers le Chili, sélectionnant parmi eux ses amis communistes au détriment des trotskistes et des anarchistes. Il voyage au Mexique, à Cuba et au Pérou, visite la forteresse inca du Machu Picchu. En 1945, il est élu sénateur et devient membre du parti communiste chilien. Suite aux déboires que lui occasionnent ses prises de position politiques, il échappe à son arrestation et se réfugie en Europe.
En 1949, Neruda devient membre du Conseil Mondial de la Paix à Paris. En 1955, il reçoit le « Prix Staline pour la Paix » en même temps que Pablo Picasso. Il rencontre la femme de sa vie, Matilde Urrutia qui l’inspire pour des poèmes d’amour d’une fulgurante beauté « Cien sonetos de amor ». De retour au Chili en 1952, il publie en 1954 les « Odes élémentaires » .En 1957, il devient président de l’Union des Écrivains Chiliens, En 1965, il est nommé Doctor honoris causa de l’Université d’Oxford et publie « Extravagario ». En 1971, il reçoit sa Consécration internationale avec le Prix Nobel de Littérature. Au Chili, en1973, le président élu, Salvador Allende, est renversé. À Santiago, la maison de Neruda, qui l’avait soutenu, est saccagée. Le poète et homme politique meurt le 23 septembre 1973.

octavio-paz.jpg Octavio Paz (1914-1998). Poète, essayiste, diplomate, surtout connu pour ses poèmes et ses essais d’inspiration diverse, puis pour son engagement antifasciste, sa création de plusieurs revues littéraires et sa collaboration à la revue Vuelta (1976-1998). Il est considéré comme l’un des plus grands poètes de langue espagnole du XXe siècle, et son influence sur la littérature hispanique et mondiale peut- être comparée à celle de Juan Ramón Jiménez et Vicente Huidobro. Il reçoit le Prix Cervantès en 1981, le Prix Neustadt en 1982, et le prix Nobel de littérature en 1990. En 1989, François Mitterrand lui remettra le prix Alexis de Tocqueville.
Né à Mexico d’un père mexicain et d’une mère andalouse, il a toujours voulu préserver cette double culture. Son père, avocat, occupait une position spéciale, promoteur de la réforme agraire, et était conseiller du fameux révolutionnaire Emiliano Zapata. Son grand-père, écrivain, possédait une importante bibliothèque, ce qui permit à Octavio jeune, d’enrichir ses connaissances. Il débute ses études universitaires à Mexico. À dix-sept ans il fonde une revue d’avant-garde, deux ans plus tard, il publie ses premiers poèmes. Résidant en Espagne lors de la guerre civile, il assiste au congrès des écrivains antifascistes, il y rencontre Pablo Neruda. Rentré au Mexique, il se lance dans le débat politique et se lie avec des intellectuels espagnols émigrés. En 1943, Octavio Paz part pour les États- Unis, il y restera deux ans, rencontre Robert Frost et William Carlos Williams : Il sera longtemps intéressé par la poésie nord-américaine, y compris par T. S. Eliot.
Il réside à Paris de 1946 à 1951 comme diplomate, se lie d’amitié avec André Breton, s’intéresse au surréalisme. C’est une époque bénéfique qui voit la publication d’oeuvres majeures, comme en 1949 un ouvrage réunissant toute son œuvre poétique précédente, « Liberté sur parole », un intéressant essai sur l’identité mexicaine et « Le Labyrinthe de la solitude » en 1950. De 1962 à 1968 il est nommé ambassadeur du Mexique à New-Delhi, ce sera une époque passionnante pour lui : rencontre avec d’autres cultures, bouddhisme, hindouisme et avec la poésie japonaise, dont il a traduit en espagnol certains chefs-d’œuvre. Nombre de ses essais reflètent cette prestigieuse découverte. En Inde il rencontre une Française, Marie-José Tramini, qu’il épouse, en secondes noces, et à qui sont dédiés certains de ses plus beaux poèmes écrits dans « Versant Este ».
L’œuvre d’Octavio Paz est considérable, il reste l’un des plus grands poètes de la culture latino-américaine.

gabriel_garcia_marquez.jpg Gabriel García Marquez (1927-2014). Né en Colombie à Aracataca, sur la côte des Caraïbes. Romancier, nouvelliste, journaliste et activiste politique, il est l’un des plus grands écrivains du XXe siècle: Surnommé « Gabo » par ses proches et en Amérique du Sud, il est l’un des auteurs les plus et populaires du XXe siècle. Son oeuvre a été traduite dans presque toutes les langues et vendue à plus de cinquante millions d’exemplaires. Pablo Neruda dira de « Cent Ans de Solitude », son œuvre majeure, que « c’est le plus grand roman en langue espagnole écrit depuis Don Quichotte ». En 1982, il reçoit le prix Nobel de littérature.
Gabriel est l’aîné d’une famille de onze enfants, juste après sa naissance, son père s’installe à Barranquilla, et Gabriel reste à Aracataca avec ses grands-parents, Doña Tranquilina Iguarán et le colonel Nicolás Márquez. Aracataca deviendra Macondo, un endroit réel, mais devenu mythique. Sa maison et son village ont eu pour Gabriel une très grande importance qui se reflète dans toute son œuvre. Ses grands-parents ont une forte influence sur lui. Son grand-père, véritable professeur et mentor, lui apporte un important savoir scolaire et culturel. Sa grand-mère joue un rôle important dans la constitution de sa personnalité, et la manière qu’elle a de « traiter les choses extraordinaires comme si elles étaient tout à fait naturelles… la maison des aïeuls est emplie d’histoires surnaturelles et de récits de fantômes, d’esprits…» qui alimentent son imaginaire. Élevé dans ce contexte, Marquez s’insère facilement dans le courant littéraire latino-américain, fait de réalisme magique ou de réel merveilleux, incarné par Cunqueiro, Asturias et Carpentier.
Garcìa Márquez débute sa carrière en tant que journaliste. En 1955, el Espectador l’envoie à Paris. Il voyage en Europe, à Rome, Madrid, et dans les pays de l’Est, qui lui laisseront une triste impression, malgré ses préférences idéologiques, en témoigne son ouvrage « 90 jours derrière le rideau de fer ». Sans travail il traverse des années difficiles, mais publie « Pas de lettre pour le Colonel »; l’année suivante, « La Mauvaise heure » et « Les Funérailles de la grande Mémé ». Rentré en Colombie, il épouse Mercedes Barcha avec qui il aura deux fils. Il travaille pour l’agence de presse cubaine; après un séjour à New-York, en 1961, García Márquez et sa famille partent au Mexique, où il passera la plus grande partie de sa vie. Ils traversent le Sud des États-Unis par bus, souhaitant découvrir la région américaine qui avait inspiré les écrits de William Faulkner. En août 1965, moment important, il signe avec son agent littéraire de Barcelone un contrat autorisant ce dernier à représenter l’écrivain colombien dans toutes les langues et dans tous les pays pendant cent cinquante ans. Entre juillet 1965 et août 1966, il écrit le roman « Cent ans de solitude », avec lequel, quelques années plus tard, il accédera à la célébrité mondiale. Publié à Buenos Aires en 1967, il sera publié en français, au Seuil, en 1968 : l’engouement rencontré est extraordinaire. Garcia Marquez a écrit de nombreuses nouvelles, mais ses romans, tel « Cent ans de solitude  » (1967), « Chronique d’une mort annoncée » (1981) et « L’Amour aux temps du choléra » (1985), lui ont apporté la reconnaissance de la critique littéraire avec le succès commercial. Couronné à 55 ans, García Márquez devient en 1982 l’un des plus jeunes lauréats du prix Nobel ainsi que le premier Colombien et le quatrième auteur latino-américain à obtenir cette récompense, après Gabriela Mistral (1945), Miguel Angel Asturias (1967) et Pablo Neruda (1971)

mario-vargas-llosa.jpg Mario Vargas Llosa. Écrivain et romancier.
Né à Arequipa, Pérou, le 28 Mars 1936.
Comme beaucoup d’écrivains latino-américains, Mario Vargas sera toute sa vie engagé en politique. Après avoir soutenu la révolution cubaine, il s’en éloigne et s’intéresse au libéralisme, et sera même en 1990 candidat de la droite libérale à l’élection présidentielle. Cette évolution idéologique sera l’une des causes de sa brouille avec son ancien ami Gabriel García Marquez qui restera le soutien de Cuba.
Mario Vargas Llosa est membre de l’Académie royale espagnole. Il a reçu le Prix Cervantès en 1994, le Prix Jérusalem en 1995, et en 2005 le Irving Kristol Award de l’American Enterprise Institute, et à cette occasion prononce un discours remarqué, « Confessions d’un libéral ». Le 7 Octobre 2010, il reçoit le « Prix Nobel de Littérature, récompensé pour sa description des structures du pouvoir ». Son premier roman, « La Ville et les chiens » (1963) rappelant son passage à l’Académie militaire, reçoit deux prix littéraires et assure son succès. Parmi ses romans les plus connus « Julia et le scribouillard » (1977), « la Casa verde » (1965), « La Fête au bouc » (2000), et de nombreux essais.
Mario Vargas Llosa est fils unique, ses parents se séparent quelques mois après sa naissance. Élevé par sa famille maternelle, il passe ses dix premières années en Bolivie, à Cochabamba, au « paradis de l’enfance » où son grand père maternel s’occupe de plantations de coton. Ses parents se réconcilient, et à l’âge de 14 ans, Mario passe du cocon familial à la férule de son père qu’il croyait mort. Ce dernier, ne voyant pas d’un bon œil sa vocation poétique naissante, l’envoie pensionnaire à l’Académie militaire de Lima ; il en gardera un très mauvais souvenir, objet de son livre « La Ville et les chiens ». Il poursuit ses études universitaires, collabore à des revues littéraires comme critique de cinéma et chroniqueur et se lance dans le journalisme. Il obtient une bourse et part à Madrid. Fou de lecture, Mario Vargas se plonge dans les auteurs français du XIXe : Hugo, Stendhal, Balzac, Flaubert. À la fin des années 1950 il apprend que La Revue Française organise un concours, le prix en est un séjour d’un mois à Paris; Mario Vargas tente sa chance et remporte le prix . Vivre à Paris dans les années 1960 était facile et passionnant, on y croisait Sartre, Camus, Aron, à l’affiche des théâtres Ionesco et Beckett, c’était à une époque merveilleuse. Il publie de nombreux romans, couronnés par des prix littéraires. Contrairement à ses collègues du boom, Vargas Llosa s’éloigne du réalisme magique en vigueur. Il cherche également à rompre avec la veine indigéniste, qui domine dans les lettres sud-américaines.