L’amérique Latine de Rémi Vénitien

« Un continent très addictif ! »

Rémi, qu’est-ce qui vous séduit particulièrement en Amérique latine ?
J’en prends toujours plein les yeux et les papilles, avec des photos fantastiques même si je ne suis pas particulièrement doué ! Malgré la foule, j’ai à chaque fois l’impression d’être le premier à visiter le Machu Picchu et à toucher ces vieilles pierres érigées il y a plusieurs siècles, au Pérou. J’aime faire une halte dans un village pour apprendre à cuisiner le quinoa avec, par exemple, Tonia qui raconte sa vie – déjà deux enfants à 24 ans, l’espoir de vivre jusqu’à 52 ans et de mourir de vieillesse -, pour un moment d’échange et de partage d’une intensité extraordinaire. C’est une expérience dont on sort valorisé, un privilège de rencontrer ces gens. Il y a l’aspect culturel mais aussi le côté nature, comme en Basse-Californie, au Mexique, le long de la mer de Cortès (ndlr. ou golfe de Californie), où faire de somptueuses randonnées dans le désert et observer, au large, les baleineaux, dans ces eaux chaudes riches en plancton de décembre à mars.

Quelles sont les destinations majeures ?
Il y en a quatre : le Mexique, qui représente une bonne porte d’entrée pour l’Amérique latine avec sa culture préhispanique et ses paysages, le Pérou, l’Argentine et le Costa Rica. Ces « gros porteurs » attirent chaque année des millions de voyageurs.

Quel est votre coup de cœur ?
Le Pérou, un choc. Tout est de qualité : les routes, l’habitat, la nourriture, les hôtels, les paysages qui provoquent toutes les vingt minutes l’effet « waouh ». La richesse culturelle est immense – pré-inca, inca, la période des conquistadors…- avec des trésors d’architecture, de peinture et d’urbanisme. On change sans cesse d’altitude, de végétation et de climat, entre l’Amazonie, les Andes enneigées, Lima au niveau du Pacifique… Face à ces différents paysages, je ne m’ennuie jamais, avec toujours un supplément de plaisir. Sachant que parcourir ce pays exceptionnel est un vrai engagement, en prenant en compte l’adaptation à l’altitude et un long vol, une partie importante du budget étant consacrée à l’aérien. Je recommande de faire le Pérou en combiné avec la Bolivie car il s’agit, pour moi, de la même dynamique de voyage. Traversez la frontière pour découvrir l’altiplano, la mine d’argent de Potosi, le désert de sel d’Uyuni…

Et, en deuxième ou troisième entrée, que suggérez-vous ?
L’Equateur me semble une très bonne idée avec ses belles villes coloniales, ses marchés indiens, ses glaciers, son « avenue des volcans », son train Nescafé de la publicité des années 1980… L’altitude est modérée. C’est là que, paradoxalement, sont fabriqués les panamas, les chapeaux de paille portés par les ouvriers sur le chantier du célèbre canal. Je conseille l’escale dans les îles Galápagos et ses espèces endémiques, rendues célèbres par Darwin. La Colombie me paraît aussi très attrayante, avec sa cathédrale de sel et la mythique Carthagène des Indes, dont les fortifications militaires, dressées au XVIème siècle, figurent parmi les plus complètes d’Amérique du Sud. On s’y rend sans craindre les problèmes de sécurité. Même les Américains ont toujours vendu la destination, c’est dire. La région est enfin apaisée, elle connaît un bon début d’ébullition touristique, ça frémit !

Quels pays présentent de forts potentiels de développement ?
Le Chili, qui s’étend entre le Pacifique et la Cordillère des Andes, offre une grande diversité, à des altitudes différentes, entre ses belles villes coloniales, ses vignobles, le désert d’Atacama et les geyser d’El Tatio, le port de Valparaiso et ses maisons colorées… Sans oublier la Patagonie, partagée avec l’Argentine qui en englobe la plus grande partie, avec ses glaciers et ses steppes aux allures de bout du monde. Il y a aussi le Salvador, pays beaucoup moins connu, en moyenne montagne, présentant le même côté nature que le Costa Rica. Déchiré par une guerre civile de 1980 à 1992, il refait timidement surface sur l’atlas touristique mondial. J’ai beaucoup apprécié ses plages idylliques côté Pacifique, sa chaîne de volcans et mes balades dans la campagne, jalonnée de fermes et de petits villages où des artisans continuent à teindre des tissus en bleu indigo, culture qui connut son âge d’or du XVIIe au XIXème siècle. Au Pérou, face aux quotas restrictifs pour visiter le Machu Picchu, c’est le nord qui commence à être exploité, avec en produit d’appel la forteresse pré-inca de Kuelap, désormais accessible en téléphérique, au sein d’un paysage grandiose.

Quelles sensations associez-vous à ce continent ?
Pour les odeurs, ce sera celles de la cannelle, dans tous les desserts, et du cilantro, le persil mexicain au goût si prononcé. Pour le son, le klaxon des voitures, la circulation intense des grandes villes. Mon plat préféré reste le ceviche, une marinade de poisson cru que l’on savoure au Pérou, au Chili, au Mexique, en Colombie, en Argentine… Et ma boisson favorite le pisco, cocktail alcoolisé à boire au Pérou et au nord du Chili, avec du citron et du blanc d’œuf, délicieux !

Parler espagnol facilite l’immersion ?
Oui, bien sûr. Cela permet de nouer des liens plus forts avec ce peuple généreux, si prompt à dire : « Mi casa es tu casa » (ma maison est la tienne). Et cela permet d’obtenir des prix 20% moins chers ! Quand il y a un obstacle technique – il y en a toujours, que ce soit une route coupée ou un pneu crevé -, cela rend la vie plus facile… Avant tout, toutefois, il faut partir en ayant l’esprit très ouvert : il ne s’agit pas de la consommation d’un produit touristique, mais d’une aventure de voyage à travers un continent magique. Pour rejoindre l’île de Pâques, chilienne, il faut ainsi intégrer que les vols varient en fonction des dieux et des saisons…

Votre plage préférée ?
Zipolite, au Mexique, au bord du Pacifique, à six heures au Sud d’Oaxaca, deux heures au sud de Puerto Escondido, avec ses grosses vagues et ses courants traîtres, mais une situation isolée qui en fait un paradis… Je garde un souvenir très ému d’un Noël dans ce village de pêcheurs.

Un livre à recommander ?
Le Cahier de Maya, d’Isabel Allende, dont l’intrigue se déroule sur l’île de Chiloé, au Chili, où le temps semble s’être arrêté. Une jeune fille de 19 ans qui a grandi aux Etats-Unis va trouver refuge sur la terre d’origine de sa grand-mère, et retrouver des raisons de vivre.

Que défrichez-vous en ce moment ?
Au Mexique, dans le Yucatan, je suis en train d’organiser une nouvelle étape dans l’ancienne cité maya de Kohunlich, à la frontière du Belize. Entouré d’une forêt tropicale, ce site archéologique est maintenant desservi par une route asphaltée. L’Amérique du Sud est un territoire si vaste qu’il faudrait plusieurs vies pour le connaître dans sa globalité !

Enfin, comment est né votre lien fort avec ce continent ?
Après une maîtrise de LEA (Langues étrangères appliquées) à Chambéry et un premier emploi de sept mois à Barcelone, j’avais rejoint le Mexique pour une spécialisation à l’université des Amériques, à Puebla. C’est la quatrième ville du pays, cité coloniale classée au patrimoine mondial de l’Unesco et située à 2000 mètres d’altitude, au pied d’un volcan superbe. J’ai adoré ce pays ! De là, j’ai eu envie de continuer à explorer le continent avec mon sac à dos, en prenant les bus de nuit. C’était toujours plus beau, en crescendo, de quoi me donner l’envie d’en connaître plus, encore et encore… L’Amérique du Sud est très addictive !