Ecrivains Latino-américains – Partie 2

Avec le temps, et de la persévérance, la Littérature hispano-américaine est devenue adulte.
Nous avions parlé des Prix Nobel, fleurons du Nouveau Monde, et évoqué aussi ces grands écrivains qui n’ont pas obtenu ce prix prestigieux, tels José Luis Borges, Alejo Carpentier, Carlos Fuentes, mais qui reçurent cependant d’autres prix importants. Evoquons aussi les écrivains qui se sont fait remarquer, et qui, à la fin du XVIIIe, ont ouvert la voie aux nouvelles générations, alors que les Nobel et autres prix littéraires n’existaient pas encore. Revenons sur ces écrivains qui ont orienté la littérature latino-américaine : le Vénézuelien Rufino Blanco Fombona, le Nicaraguayen Ruben Darío, l’Uruguayen Ernestó Rodó, et l’Argentin Horacio Quiroga. Pour commencer, je parlerai donc brièvement de chacun d’eux. Nous reviendrons plus longuement dans une autre Newsletter sur trois des grands écrivains de la littérature qui n’ont pas eu le Prix Nobel mais figurent parmi les plus grands, José Luis Borges, Alejo, Carpentier et Carlos Fuentes.

Les Modernistes.

Ruben Dario 1867 – 1916, poète Nicaraguayen. Fondateur du Mouvement Moderniste

ruben-dario.jpgÀ l’âge de 12 ans Darío publie ses premiers poèmes. Il avait écrit des vers par pur plaisir, qui, néanmoins, lui valurent une renommée locale. À dix-neuf ans, il part pour Santiago et entre au plus grand journal de la ville « l’Époque ». C’est pendant ces années décisives pour la formation de son esprit que Dario subit l’influence de la littérature française, alors bien présente dans les capitales des pays latino-américains. Il se familiarise alors avec les auteurs qui ont représentés les divers courants de la vie intellectuelle française : Les Goncourt, Baudelaire, Leconte de Lisle, Barbey d’Aurevilly, Émile Zola, Honoré de Balzac, Daudet, et bien d’autres. Habitant le Chili de 1886 à 1888, il fait paraître de nombreux contes, les plus importants seront publiés sous le nom d’Azul. Le premier recueil fut apprécié par beaucoup. Ces poèmes étaient d’un style très nouveau et Dario fut alors connu dans toute l’Amérique Centrale. Les volumes d’Azul, largement inspirés par des modèles étrangers, aux sujets très exotiques, étaient révolutionnaires pour l’époque. A 22 ans, il est nommé correspondant du grand quotidien La Nación de Buenos Aires, et pendant toutes ces années il correspond avec de nombreux journaux. Le poète est continuellement en voyage, il va en Espagne, à Paris, où il rencontre Verlaine, à Buenos-Aires, et à Madrid. C’est pendant cette période de sa vie qu’il produit les plus remarquables de ses œuvres.
Dario est le fondateur du mouvement littéraire moderniste de la langue hispano-américaine, qui débuta par la publication d’Azul. Les publications postérieures lui valurent d’être reconnu comme le chef incontestable du nouveau mouvement. Darío participe à de nombreux mouvements littéraires au Chili, en Espagne, en Argentine et au Nicaragua. Le mouvement moderniste auquel il appartient est un mélange de trois mouvements européens : le romantisme, le symbolisme et le Parnasse. Ces idées expriment d’une façon très nouvelle les passions qui nous animent et les vicissitudes de la vie, dans un style harmonieux et imagé.

José Enrique Rodó, 1871 – 1917.

jose-enrique-rodo.jpg Homme politique et écrivain uruguayen. Membre d’une famille de la bourgeoisie uruguayenne, il apprend à lire dès l’âge de quatre ans avec l’aide de sa sœur. Les déboires du négoce de son père, puis sa mort, l’obligent à travailler dès l’âge de 14 ans et c’est alors qu’il entre chez un greffier. Dès 1895, il publie dans la presse, articles et poèmes. Intellectuel et essayiste, il prend une part active à la politique de son pays, et publie des œuvres qui s’efforcent d’éclaircir certains aspects de la vie politique qui contribuent au malaise hispano-américain de la fin du XIXe. Son style, raffiné et poétique, est typique du modernisme, dont il est considéré comme l’un des principaux acteurs hispano-américain. Avec d’autres intellectuels, il fonde la revue nationale de littérature et sciences sociales, où il publie ses critiques littéraires. Dans ses essais, largement diffusés, il se propose d’analyser les raisons qui font obstacle au bon fonctionnement de la politique de son époque, s’oppose à l’américanisme et critique la culture nord-américaine, afin de rendre à la jeunesse un peu d’espoir. En 1900, l’humaniste qu’il est s’adresse à la jeunesse latino-américaine. Il publie « Ariel », son œuvre majeure, qui aura un succès retentissant et sera à l’origine de « l’Arielisme, » mouvement qui s’étendra dans toute l’Amérique Latine. Dans cet ouvrage, il en appelle à Ariel, le génie de l’esprit, contre Caliban, symbole de la matière, afin de combattre l’utilitarisme et le mercantilisme des États-Unis. Poursuivant sa carrière politique en tant que membre du parti « colorado », il se fait élire trois fois de suite député de Montevideo. Correspondant de la revue « Caras y Caretas », il meurt en 1917, dans un hôtel de Palerme.
Ses cendres reviennent à Montevideo en 1920.

Horacio Quiroga, 1878 -1937

horacio-quiroga.jpg Alors qu’il fait ses études à Montevideo, il commence à s’intéresser à la littérature. Agé de vingt ans et inspirée par la passion qu’il éprouve pour sa première amie, il écrit  » Una estación de amor » et l’année suivante, il fonde dans sa ville natale la « Revista de Salto ». Puis en 1900, il part pour Paris. Déçu par la ville et à court d’argent, il la quitte au bout de trois mois. A son retour, l’écrivain résume ses souvenirs outre atlantiques dans le  » Diario de viaje a París  » et fonde le « Consistorio del Gay Saber » qui inspira la vie littéraire de Montevideo et alimenta les polémiques contre le groupe de J.Herrera y Reissig. S’étant établi à Buenos Aires en 1901, il publie « Los arrecifes de coral », suivi en 1904 de « El crimen del otro », de « Los perseguidos » en 1905, à la suite d’un voyage avec Leopoldo Lugones à travers la forêt jusqu’au Brésil. Le gouvernement cherchant à favoriser l’évangélisation de la province reculée de Misiones, Quiroga s’installe au milieu de forêt tropicale, à San Ignacio, ville bien connue pour les ruines laissées par les jésuites après leur départ. Il y emmène vivre sa jeune épouse, Ana María Cirés, âgée de 15 ans. Là il écrit, en 1908, l’une de ses œuvre la plus célèbre, « Historia de un amor turbio ».
Après le suicide de sa femme, il rentre à Buenos Aires en 1916, et écrit là ses ouvrages les plus remarquable: « Cuentos de amor, de locura y de muerte, publiés en 1917, El salvaje et Las sacrificadas, en 1920, Anaconda en 21, El desierto en 24, La gallina degollada y otros cuentos en 25.
À partir des années 1920, la renommée de Quiroga devient internationale et les traductions de ses œuvres sont éditées aux États-Unis et en France.
A cette époque il collabore avec différents journaux, Caras y Caretas, Fray Mocho, La Novela Semanal et La Nación, entre autres.
En 1927, il se remarie avec une jeune amie de sa fille Eglé. Deux ans plus tard il publie « Pasado amor » qui n’eut guère de succès.
Voyant arriver une nouvelle génération d’écrivains, il revient à Misiones où il s’occupe en cultivant des fleurs. En 1935, sont édités ses derniers contes « Más allá. »
Atteint d’un cancer, il revient à Buenos Aires 1937, où il met fin à ses jours à hôpital, en avalant du cyanure. Les cendres de l’écrivain furent placées dans urne mises dans le buste de l’écrivain, sculpté par l’artiste russe Stephan Erzia, dans une racine d’arbre de la forêt et déposées dans la maison de son enfance à Salto, en Uruguay, sa ville natale.

Tout de l’œuvre d’Horacio Quiroga est inspirée et marquée par les nombreux drames qu’il a connus au cours de son existence. Alors qu’il est âgé d’à peine trois mois son père meurt dans un accident de chasse, sans que l’on puisse savoir si la balle qui l’a frappé à la tête est due à un simple accident ou à un suicide. Suicide en 1915 de sa première femme. Suicide aussi de son beau père qui, très malade, met fin à ses jour d’un coup de fusil. Pour comble de l’horreur, l’écrivain tue accidentellement son meilleur ami, Federico Ferrando, en manipulant maladroitement un pistolet.
Atteint d’un cancer, il se suicida lui aussi en 1937, dans un hôpital de Buenos Aires, en avalant une dose de cyanure.

Rufino Blanco Fombona, 1874 – 1944.

rufino-blanco-fombona.jpg Rufino Blanco Fombona est né en 1874 à Caracas, dans une illustre famille espagnole qui s’établit au Venezuela au début du XVIe.
Du côté paternel, l’un de ses ancêtres fut le fondateur du Parti Libéral, du côté maternel un autre avait fondé l’Académia de la Lengua ». Alors qu’il commence ses études de droit, en 1889, son père soutient, contre le gouvernement, le mouvement révolutionnaire auquel le jeune Rufino participera. Après des études de droit il prend la décision d’entrer à l’Académie Militaire A peine âgé de 18 ans, il intervient dans la révolution légaliste de 1892, puis entreprend de nombreux voyages. Consul à Philadelphie, il participe au concours pour le centenaire du héros national, le général Antonio Sucre, et envoie le poème « Patria » qui remporte le premier prix. À son retour à Caracas en 1895, il rejoint l’équipe de la revue « El cojo ilustrado ».
Rufino Fombona publie alors plusieurs ouvrages : Trovadores y trovas, en 1899 ; « Cuentos del poeta », publiés en 1900, « Pequeña ópera lírica » en 1904, qui démontre l’excellence de son œuvre poétique, que reconnaît Ruben Dario dans sa préface. Puis il écrit un récit : « El hombre de hierro », en 1907. De ces premiers livres il en fait une édition bilingue qu’il publiera à Paris. Entre temps, il est nommé Gouverneur de la province d’Amazonie et une fois de plus il se mêle de politique et s’oppose au Président Juan Vicente Gómez, ce qui lui vaut de la prison, d’où il publie, en 1911, son premier roman « Canto de la prisión y del destierro »; puis « Judas capitolino », l’année suivante ; « Cuentos americanos », en 1913; « Cancionero del amor infeliz », en 1918, qui relate le suicide tragique de sa jeune épouse.
En 1914 la découverte et l’exploitation d’importants gisements de pétrole permettent au Président Gomez de rembourser la dette extérieure du Venezuela, ce qui lui vaut la reconnaissance des Etats-Unis et lui permet de faire appel aux forces américaines qui envoient des bateaux de guerre dans les principaux ports du pays. Juan Rufino, alors Secrétaire de la Chambre des Députés, proteste, considérant qu’il s’agit d’une violation de la souveraineté de l’Etat vénézuélien, ce qui lui vaut cette fois d’être exilé pendant vingt six ans.
C’est alors qu’il s’installe à Paris, puis à Madrid, de 1914 à 1936. Là il écrit des récits : « El hombre de oro » en 1919, « La máscara heroica », en1923, « La mitra en la mano », 1927, « La bella y la fiera », 1931, et la même année, « El secreto de la felicidad », aussi des essais « Grandes escritores de América », en 1917 et « El modernismo y los poetas modernistas », en 1929. Durant ses années d’exil, il écrit aussi des essais historiques « El conquistador español del siglo XVI » en 1921, « Evolución política y social de Hispanoamérica » et réalise un projet qui lui est cher, démontrer la valeur littéraire et politique de l’œuvre de Simon Bolivar. Pour cela, il publie les discours, proclamations et autres écrits en 1913, 1921 et 1922 et un essai sur le Libertador « El espíritu de Bolivar « , où sont réunis pour la première fois des textes de Juan Montalvo, Jose Martí, Jose Enrique Rodó et bien d’autres. C’est en 1933 que paraît sa biographie « Camino de imperfección. Diario de mi vida » (1906-1913).
En 1935, après la mort du Dictateur Juan Vicente Gomez, Rufino Blanco Fombona rentre au Venezuela, où un excellent accueil lui est réservé. Il est nommé à l’Académie d’Histoire, occupe un poste auprès de l’Ambassade du Venezuela en Uruguay et continue ses recherches historiques.
Rufino Blanco Fombona succombe à un infarctus à Buenos Aires, le 16 octobre 1944, alors que alors que sa candidature au Nobel était proposée par de grands écrivains espagnols. Illustre écrivain et homme politique vénézuélien des plus renommés, il est enterré au Panthéon national du Venezuela.