Ecrivains Latino-américains – Partie 1

Parler en quelques lignes de la littérature latino-américaine serait une gageure, car c’est une longue et riche évolution culturelle qui a commencé avec le début de la colonisation. Très tôt, l’Amérique espagnole s’est dotée d’écoles, d’universités et d’imprimeries sur tout le continent, nécessaires à la diffusion de la culture et de la littérature espagnole, puis des écrivains hispano-américains les plus en vue, issus souvent des populations indigènes qui ont contribué à la nouvelle littérature latino-américaine.

alonso-de-ercilla.jpg C’est l’époque des chroniques, rendant compte de ce qui se passe dans le Royaume, des avancées de la conquête et de la colonisation administrative et spirituelle, du récit des grandes épopées dans chacun des nouveaux territoires, comme la Véridique Histoire de la Nouvelle Espagne de Bernal Díaz del Castillo, ou au Pérou, de la traduction des poèmes quechuas, avant que l’Inca Garcilaso de la Vega écrive ses fameux « Commentaires royaux. » Le Chili a sa grande épopée avec l’Araucana, récit, poème épique de Alonso de Ercilla, sur la Conquête, la guerre des Espagnols contre les Indiens Mapuche. Mais déjà apparaît une nouvelle génération d’écrivains nés en Amérique, principalement de poètes, c’est d’eux dont nous parlerons principalement, non sans relever au XVIIe une étoile de premier plan, la Mexicaine Sor Juana Inés de de la Cruz (1648-1695). L’histoire est un genre qui fait son apparition, médiatisé par les premiers journaux tels la Gaceta de México, le Diario de Colombie et le Mercurio du Pérou, qui subissent les influences venues d’Europe au XVIIIe, et annoncent le romantisme. Jusque là, le roman était interdit d’importation et ne fera son apparition dans le Nouveau Monde qu’en 1816.

Emancipation, fil conducteur littéraire du début du XIXe siècle

echevarria_esteban.jpgLes idées d’émancipation fleurissent à partir du début du XIXe, avec la presse, les essais politiques, et l’art oratoire qui se développe, avec pour maître le « Libertador Simon Bolívar ». Esteban Echeverría, écrivain argentin, instaure un nouveau concept, avec l’idée de patriotisme qui fait suite à celle d’indigénisme, enflamme les œuvres des poètes tel José Maria de Heredia, homme de lettre d’origine cubaine, né sujet espagnol, naturalisé français… Il figurait encore dans les anciens manuels de littérature française d’après la guerre de 1914. Avec les autres poètes de son époque il prêche des idées d’indépendance et exalte le sentiment national, sa poésie est romantique. Il passera cinq années en France, mais il sera classé comme le premier vrai romantique latino-américain. Apparaît alors dans la poésie et la nouvelle – un genre spécifiquement latino-américain avec des personnages nouveaux : les Indiens et le gaucho argentin, qui aura son « monument » avec le « Martín Fierro » de José Hernández, qui sera le héros d’innombrables récits et œuvres théâtrales; de très belles éditions lui seront consacrées. Les auteurs s’attachent à donner à leurs écrits une couleur locale qui représentera le vrai « criollismo » dont les traductions dans les pays francophones font encore la base de la littérature, avec les premiers chefs-d’œuvre des Argentins, José Mármol, Domingo Sarmiento et du Colombien Jorge Isaacs dont les traductions sont toujours très lues dans les pays européens francophones. Tous ces écrivains dénoncent la dictature, le mal endémique de l’Amérique latine.

Un nouvelle esthétique « américaine » et des prix Nobel

pablo-neruda-2.jpgEn 1880, naît une nouvelle esthétique, proprement américaine, qui à son tour influencera l’Espagne : chargé d’insuffler un esprit nouveau, où se manifeste pleinement l’indépendance idéologique, esthétique et culturelle de la littérature hispanique. L’ensemble du continent se caractérise par la revendication de l’américanisme donnant des écrivains de poids qui ont orienté la littérature latino-américaine; c’est le cas du Nicaraguayen Rubén Darío, de l’Uruguayen Ernesto Rodó qui professe un certain modernisme dans sa prose, ainsi que du Vénézuélien Rufino Blanco Fombona et de l’Argentin Horacio Quiroga.
Désormais, la littérature hispano-américain est adulte. Ses auteurs rivalisent avec les meilleurs des autres pays. Le prix Nobel consacrera successivement la Chilienne Gabriela Mistral, le Guatémaltèque Miguel Angel Asturias, le Chilien Pablo Neruda, le Colombien Gabriel García Márquez, le Mexicain Octavio Paz et le péruvien Mario Vargas Llosa. Il faut aussi mentionner le grand écrivain José Luis Borges, qui malheureusement n’a jamais reçu le Nobel, surtout connu comme un maître de la nouvelle fantastique ou métaphysique et qui est aussi un poète très original. Quant à Gabriela Mistral et à l’Uruguayenne Juana de Ibarbourou, elles dominent une pléiade de poétesses enthousiastes et sensibles. Le Chilien Vicente Huidobro et le Péruvien César Vallejo font aussi partie de ceux qui montrent des voies nouvelles et seront suivis par de nombreux adeptes. Mais la grande figure poétique de l’Amérique Latine est celle du Cubain Nicolás Guillén, tandis qu’au Mexique Alfonso Reyes et Octavio Paz se détachent et figurent en première ligne. L’influence européenne est encore très présente dans la littérature hispano-américaine jusqu’en 1880, où un esprit nouveau souffle des vents d’indépendance idéologique, esthétique et culturelle. Viendra la première guerre mondiale qui interrompra les échanges avec l’Europe. Ils reprendront avec intensité à la fin de la guerre, ce sera la naissance de l’Aéropostale, le renouveau des grands Transatlantiques, de la venue à Paris de nombreux écrivains latino-américains, malheureusement interrompue à nouveau avec la seconde guerre mondiale.
La grande figure poétique de l’Amérique du sud est sans conteste Pablo Neruda. À Cuba, la poésie « négriste  » a son héraut en la personne de Nicolás Guillén, tandis qu’au Mexique Alfonso Reyes ou Octavio Paz présideront au renouveau de la pensée latino-américaine. Depuis 1920 plus que jamais le roman reprend force et vigueur, le roman indigéniste (dans les pays andins Bolivie, Pérou, Equateur) le roman créole et le roman de témoignage. Mais c’est aussi avec le guatémaltèque Miguel Angel Asturias, que le concept de réalisme magique sera le plus accentué dans le roman indigéniste, partagé par le cubain Alejo Carpentier. Nous reviendrons sur les écrivains qui domineront la littérature à partir de cette époque.

A suivre…